jeudi 4 juin 2009

Minuit une minute trente secondes

A mesure que l’énonciation gagne, l’espace s’organise, ou doit s’organiser, il prend un sens, il s’étend, ses dimensions s’élargissent, les lignes poussent et descendent, les signes se comportent en envahisseurs, en maladie de peau, ils sont presque le signe d’une maladie affectant la surface, d’un recouvrement méticuleux d’une couche par une couche nouvelle, elle-même suivie d’une autre, puis d’une autre, puis d’une autre encore, aboutissant à un genre d’impasse verticale, une aporie géologique, comme sont les livres d’une certaine épaisseur.

samedi 30 mai 2009

Minuit une minute vingt neuf secondes

On consulte l’heure, on consulte le texte, on calcule le temps de pagination ou du déroulé du menu pour que le temps du texte coïncide avec le temps de consultation, puis on consulte le texte à l’heure exacte de sa consultation.

Minuit une minute vingt huit secondes

Une seconde est une partie d’une minute, qui est une partie d’une heure, qui est une partie du jour, qui est une partie d’une semaine, qui est une partie d’une année, qui est une partie d’un siècle, qui est une partie d’un millénaire, mais un millénaire peut être une partie d’une seconde quand un texte titré seconde contient les dates comprises de un à mille et, dans un de ce millier, dans cette unité d’un millième, les dates comprises entre un et trois cents soixante cinq, et, dans un de trois cents soixante cinq, les repères compris entre un et vingt quatre et dans un de vingt quatre, les points compris entre un et soixante et dans un de soixante, les points compris entre un et soixante à nouveau, et dans cette unité qui pourrait être la dernière, toutes les divisions sont encore possibles et donc, une année peut être la partie d’un jour, un jour la partie d’une seconde, une heure la partie d’une minute, c’est une procédure connue, datée, la partie du tout, le tout dans la partie, et il est certain qu’à l’écrire, on possède un temps d’avance et peut-être aussi un certain vertige, un genre de nausée.

Minuit une minute vingt sept secondes

Le présent - le temps du présent, la présence - constitue, en partie, une sorte d’horizon, un paysage de l’écriture, une écriture vécue au même instant qu’elle est lue, un paysage parcouru, poursuivi vers l’horizon, puis franchi jusqu’à la prochaine ligne. Le passé, le passé du temps, le futur, le temps futur, sont des déséquilibres, avec, immédiatement, un présent simulé, virtuel, de quel présent parle-t-on d’hier, de demain ? Là, dans l’étroit des lignes, l’équilibre se maintient toujours, la symétrie visuelle de l’alignement, du passage, de la transition d’une ligne à l’autre, d’une seconde vers une autre, sans raison, pour une fois.

Minuit une minute vingt six secondes

Blocs – de textes – blocs collés à blocage, blocus – comment, dès lors, ne pas se sentir bloqué à l’instant – l’instant, les suites d’instants mis en blocs -, à l’instant de s’y mettre – aux blocs, aux opérations dans les blocs, à l’imprévisible des blocs dans le texte opéré ?

Minuit une minute vingt cinq secondes

Arrivé au bout, le passage à la ligne est automatique en prose, quand l’espace horizontale d’inscription est atteint, quand il n’y a plus de place et que la ligne saute, descend, les lignes descendent toujours d’une ligne à l’autre dans toutes les langues, du moins sans doute, sans doute mais pas sans aucun doute, il faut toujours mettre du doute au moment d’affirmer, c’est une règle, ou c’est un tic, un automatisme, ou une lâcheté, donc pas sans aucun doute mais avec un doute minimum, les lignes s’étagent ou bien les caractères descendent, c’est inévitable et toute fiction devrait en tenir compte, toutes les histoires devraient montrer des chutes, un personnage en train de tomber en hommage à la prose descendante, un être défenestré qui, à la vue des reflets de la vitre brisée entourant sa chute, les rapproche des bribes de sa propre existence qui lui viennent en masse et qu’il recombine en multiples vies croisées et multipliées. Le tout en une seule phrase avec une deuxième pour le signaler.

Minuit une minute vingt quatre secondes

Le texte raconte l’histoire d’une planète et des espèces qui y sévissent. Chapitres de formations géologiques, climatiques, biologiques. Linéarité narrative. Evolutions du vivant d’une forme à l’autre. Puis arrivée d’un genre que, par souci de lisibilité, on appellera métaphoriquement humain. Le genre humain est à la fois dans le texte un genre soumis aux règles du vivant et un genre stylistique. Evolution du texte dans le texte. Puis l’humain progresse, invente et domine. Puis il trouve le moyen de voyager dans le temps. Dès lors, les chapitres de cette partie du livre voyagent dans le passé, le passé du texte, on se retrouve au chapitre un - citation, reprise, répétition, variation, correction, mélange des temps, fin de la linéarité. A la fin, on découvre que l’auteur du livre est l’un de ces voyageurs du temps.

mercredi 27 mai 2009

Minuit une minute vingt trois secondes

La faute à qui ? A l’orthographe, bien entendu. Toujours, elle poursuit ceux qui s’en servent pour les trahir au pire moment, à la seconde fatale : celle de l’écriture. Elle se venge, mais de quoi ? De qui ? Quel mal à s’en servir mal, même à oublier certaines de ses zones les plus sensibles, les exceptions, les règles d’accord, les dédoublements de lettre. Cette schizophrénie du mot « lettre », justement, à l’endroit du t, à moins qu’il s’agisse d’une symétrie architecturale – on pourrait bâtir une façade qui mime lettre, en toute pierre ou en tout verre - - dédoublements encore - - alors que « justement », lui ne se dédouble jamais – à peine commet-il la faute d’une répétition du t, au milieu du mot et à la fin, mais c’est élégant, comme proche d’un nombre d’or de la combinaison alphabétique. D’une manière ou d’une autre, l’orthographe fait défaut justement là où elle devrait se faire vigile, aguets, veille, en trahissant la main au moment de la frappe, neutralisant le clavier, ralentissant la lecture. Il manque des touches, d’un coup, c’est un abyme au milieu des doigts pluvieux.
Utilisant, pour signaler son mésemploi, des tiers, possédés d’elle – l’orthographe - comme autrefois le prétendu diable possédait une innocente. Ou des amis. Mais non, c’est un anachronisme : il y a trop de fautes dans les langues parlées ou écrites ou mortes-écrites pour se plaindre qu’on les corrige. Une légende court le réseau : un individu, ou un collectif d’individus – mais il est plus inquiétant d’imaginer qu’il est seul – affublé du pseudonyme Le Correcteur, interviendrait de manière opportune – la nuit très souvent, à ces heures de nuit qui font toujours mystères, malgré le noir des villes colorées de néons, de réverbères, de phares – sur les forums et les blogs, citant quantités d’interventions pour les nettoyer de leurs coquilles, se présentant toujours sous cette forme : « Je suis le Correcteur. Je n’interviens jamais à titre participatif mais correctif. Il est inutile de me répondre ou de chercher à me joindre en message privé. » . Et toujours renaissant avec ça, échappant à tous les protocoles de bannissement. Nombreux sont ainsi les forums « trollés » par cet être hybride, moitié humain, moitié programme.
Dans la recherche permanente et graphomane de parvenir au bout de ce Féminin des nombres, je ne résiste pas à l’idée que puissent exister, parallèles et satellites, des secondes bis, citées en commentaire, corrigées, comme une seconde chance, une manière de revenir sur le temps qui, dans la vie réelle - dans le sens très ordinaire de « réalité » pour qualifier la vie, c’est-à-dire la vie amputée de presque tout – ne revient jamais, sinon pour le pire – le meilleur, dit-on encore, est à venir.

mardi 26 mai 2009

Minuit une minute vingt et une secondes

A mesure que l’on avance, le retard s’accumule, l’espérance de vie et de texte deviennent une blague et l’on compte le temps à l’envers – pourquoi n’avoir pas couché plus tôt ici, ce que l’on a si mal couché ailleurs – l’expression « coucher sur le papier », d’une certaine manière, constitue un horizon indépassable de la métaphore ? C’est un programme à rebours, une uchronie égoïste, individuelle, qui ne change rien au temps collectif, mais tout du temps personnel. On consacre son présent à son passé conditionnel. On révise et on calcule son passé. Il se peut que ce soit en fait une activité partagée par le plus grand nombre mais dans le secret du monologue intérieur que l’on promène avec soi tout au long des vingt quatre heures d’une activité cérébrale standard et qui n’émerge souvent que subrepticement au coin des lèvres en pleine rue, dans un parlé seul qui effraie plus qu’il ne provoque une sensation d’appartenance.
Il aurait fallu ceci plutôt que cela. Je serais déjà arrivé à telle heure si j’étais parti plus tôt. On écrit une horloge dans l’autre sens, on fait du texte une lente remontée vers ce qui aurait du et n’a pas pu. Chaque seconde devient alors une chute, un rebus du passé, le rattrapage des minutes et des heures inemployées. On élargit par le texte le vécu rachitique, amaigri. C’est aussi, après tout, une manière d’avancer et de passer le temps au crible de l’inscription systématique.

Minuit une minute vingt deux secondes

Comme elles sont, les bulles, on les voit contenir de l’air, et n’être séparées de l’extérieur que d’une fine couche transparente parfois teintée de couleurs. Crevées, elles disparaissent, aussi vite qu’un texte effacé après sa sélection. Il faudrait disposer d’une méthode semblable, d’un outil pareil, produisant en masse des blocs automatiquement intelligibles, sensés, sonores, jouant sur tous les tableaux possibles du texte, expulsés d’un coup, dérivants quelques temps dans l’espace d’un écran paginal de dimensions sans fins particulières, et puis s’évanouissant d’un coup, éclatants, aussitôt remplacés par d’autres. D’une autre manière, chaque bloc dans sa ressemblance aux bulles, disposerait d’une membrane traversée par la lecture, il serait possible de la lire elle, mais aussi d’y lire derrière, dans une superposition de textes, un montage. La durée dans l’espace de flottaison des blocs seraient variables, mais jamais très longue. Chaque bulle, chaque bloc s’arrêterait vite avant de reprendre vite.

lundi 25 mai 2009

Minuit une minute vingt secondes

Ce qui, dès le début est connu, c’est le nombre des parties. Ce qui ne l’est pas, c’est la durée des parties, leur longueur. Une part est prévisible, une autre ne l’est pas. Leur contenu l’est mieux. Il s’agit d’écriture, des conditions temporels de l’écriture et d’écriture du temps, temps très vite perçu comme écriture de vie, signe de vie minimale, c’est-à-dire comptée, dénombrée. Ce temps mis en lettre, qui prend le temps des lettres – temps lent, parfois accéléré mais seulement à partir de la lenteur principale, la lenteur étant à l’écriture ce que le silence est à la musique -, devient dans l’écriture un temps interne à l’écriture elle-même, produite par son action. Mais parce que ce temps reprend les balises du temps ordinaires, les secondes, les minutes, les heures au complet, comme œuvres complètes du temps, une illusion narrative se produit qui déborde dans le temps réel, le temps de la lecture. Le temps écrit devient le temps principal, à partir duquel l’autre temps, le temps réel, s’agrège et trouve un sens – et des sons. On en vient à habiter l’écrit.

Minuit une minute dix neufs secondes

A mesure que l’on avance, on recule. On recule car on retire à chaque nouvelle seconde ce qui était possible avant la première. On avance par la fin qui est le vrai départ. Il faudrait ne jamais rien faire ni vivre de ce qui est écrit et conserver le concept seulement, le programme initial. Ne jamais avancer de peur d’écorcher la totalité possible, illimitée, parfaite, le Tout. Tout le reste - la fabrication du programme, le passage à l'acte, le remplissage des cases ébauchées - est littérature – mais précisément.

Minuit une minute dix huit secondes

Somme toute, toute somme faite des secondes possibles, il n’y a pas d’extérieur au jour. Sitôt que l’on en termine un, on en commence un autre. Il n’y a pas d’interstices où s’échapper. La durée qui partage un jour d’un autre appartient à l’un ou à l’autre, il n’est même pas frontière. La journée est fermée. Tout est identique d’un jour à l’autre dans l’arithmétique d’une journée. La régularité ne peut-être rompue qu’écrite. Une écriture qui ne mime rien, qui ne reproduit rien car alors, dans sa fidélité au réel du jour, il faudrait que soit établi un système métrique capable de traduire cette égalité des secondes entre elles, des minutes et des heures. Une écriture naturaliste du jour serait une écriture à réglage fixe, fixée dans la règle, une écriture écrite. Une écriture sans règle, ou de règles variables, brouillant la perception des règles en laissant néanmoins quelques indices de lois inventées pour l’occasion - l’instant, la seconde - serait la fin du jour fermé. Par cette écriture seulement – libre car de règles inconnues - le jour s’échapperait de lui-même, deviendrait autre chose, un monstre temporel, une durée tératologique. Mais même ainsi, l’extérieur n’existe pas. Même irrégulière, l’écriture d’un jour est toute entière fermée, chaque unité de temps divisée reflétée dans l’autre par la ressemblance qui les affecte. La seule sortie tient aux reflets, aux déformations possibles de ces renvois multiples. Alors seulement, certains jours paraissent longs et d’autres courts, et cet accordéon simule un temps autre, fictif quoique reconnaissable, déformé. C’est par la fiction que l’écriture du temps sort le temps de lui-même, le traine dehors, à l’extérieur jour et l’extérieur nuit.

Minuit une minute dix sept secondes

Le travail consiste quotidiennement à décrire un lieu unique, toujours le même, assez vaste pour mobiliser chaque journée l’écriture, assez limitée pour qu’il soit possible de le faire en un jour. Le lieu choisi, il vaut mieux y habiter. Il faut y consacrer quelques heures, choisir des heures dans chaque journée et les employer à la description du lieu. Il peut s'agir des heures que d’habitude, on consacre aux travaux profanes de la vie alimentaire. Il peut s'agir des heures de l'après-travail, des heures creuses, des heures de repos ou de sommeil. Et il faut chaque fois faire la description la plus complète du lieu. Ce même texte, repris chaque jour, chaque fois d’une parcelle différente du lieu extrait et choisi, ou du même endroit, serait la trame d’un journal situé, conçu comme un exercice à contrainte, et guère éloigné des pratiques de certaines castes militaires en Asie, où le tir à l’arc, le maniement du sabre, la reprise, à chaque nouvelle journée, d’un nombre assez vaste de gestes, mais assez dénombrable pour ne pas être impossible à refaire tous les jours, constitue le mode de vie supposé permettre l’atteinte de la perfection. Le lieu serait une élévation dans une nature profuse et riche en cours d’eau. Il faudrait que soit audible l’eau, un cours faible ou moyen avec un ou plusieurs bassins. Ceci afin de permettre des dispositifs de textes en flux, en désignation de l’écriture par le réseau aquatique, avec des surfaces où s’exercent des plans profonds, des structures en couches, en nappes jointes avec des creux, des grottes dans le texte, ce qui impliquerait des mises en page de blocs moins rectangulaires. De ce lieu, on y verrait aussi un bois profus ou l’amorce d’une forêt. Extrêmement dense, aux entrelacs variées, ceci afin de permettre un dispositif du texte en lianes, en racines rejointes mais jamais complètement confondus, des effets de croisements qui conservent néanmoins indépendantes les troncs d’origines. Avec une profusion de plantes, comme sont les pousses de textes hétérogènes dans une trame unie, mais pas unique. De l’élévation, après la forêt, on verrait une ville immense et son rideau de monuments, d’immeubles anciens et contemporains, de tours d’élévations diverses, et le quadrillage, le damage de la ville où chaque architecture est posée. Le jardin serait court, en gradation vers la forêt épaisse et riche. Une maison modeste, presque pauvre, à laquelle serait adossée une cabane, visiblement une ancienne remise transformée en atelier de travail. Des travaux pourraient être entrepris visant à moderniser ce lieu semi bucolique, ouvert sur la ville futuriste en contrebas. Les travaux viendraient bouleverser l’exercice quotidien de description, insérant la nouveauté dans la reprise.
Chaque jour, la description pourrait partir d’un point unique, à partir duquel s’exerceraient des parcours, soit réguliers - des cercles concentriques rejoignant la bordure frontière du lieu - soit irréguliers - des zigs-zags, des diagonales, des boucles. Soit, chaque jour, la description partirait d’un point mobile, changeant, jamais semblable à celui employé la veille.
Mais le lieu pourrait être un simple studio situé dans un immeuble grande hauteur avec juste assez de vue pour ne pas avoir à sortir et suffisant pour y travailler toute une vie sans subir la sensation de se répéter, ou que cette sensation soit désagréable.

samedi 23 mai 2009

Minuit une minute seize secondes

Dès le départ, il aurait fallu fixer un vocabulaire de base, une liste de termes communs à l’hétérogénéité apparente des textes. Il aurait fallu fixer des règles de composition. Elles ont été fixées, d’une certaine manière, elles le sont, chaque seconde fixe les conditions de possibilité d’elle-même comme texte, chaque texte fixant aussi une forme de vécu, un vécu scriptural, une réalité d’écriture.
Il n’est pas trop tard pour prévoir. Il est tôt, c’est la nuit. Il n’est pas trop tard pour planifier une politique du texte en quatre vingt six mille et quelques centaines de points à partir de ce point, à l’exception donc des soixante quinze points précédents. Ou ce point serait le point à partir duquel les points suivants seraient prévus, illustreraient un programme, une prévision, et les points précédents seraient justifiés, trouveraient une justification à leur hétérogénéité.
Il n’est pas trop tard, il n’est trop tard que face à la préméditation parfaite, au texte prémédité parfait, prévu, au texte réalisé conforme au texte prévu, à deux dimensions distinctes plaquées l’une sur l’autre en une surface unique, unie, parfaite.

Minuit une minute quinze secondes

Toute seconde pourrait être indifférenciée, inqualifiée, simple seconde dans une suite logique de seconde. Toute seconde pourrait être sans texte, ou indépendante du texte. Un texte pourrait être secondaire, à l’arrière plan d’une seconde en toute lettre. Sans corps, sans texte, la seconde n’apparaîtrait que comme elle-même, équivalente presque à celles de son entour. Ou bien il faudrait un même texte pour toutes les secondes, un texte unique, repris après chaque seconde, toujours. Ou bien un même texte tronçonné en quatre vingt six mille quatre cents parties. Ou bien chaque seconde pourrait être tronçonnée en quatre vingt six quatre cents parties, chaque seconde étant le miroir des autres ensemble, en totalité, chaque partie étant le récapitulatif de tout. Le texte semblable et répété pour chaque seconde devrait être toutes les secondes écrites d’une journée, toutes les secondes, l’une après l’autre, en une seconde, avec un simple indicatif graphique comme différence dans le texte, la mise en gras de la seconde en cours. Ou bien le texte serait le récapitulatif des secondes précédentes jusqu’à la seconde en cours. Minuit une seconde, minuit deux secondes, minuit trois secondes, minuit quatre secondes, minuit cinq secondes, minuit six secondes, minuit sept secondes, minuit huit secondes, minuit neuf secondes, minuit dix secondes, minuit onze secondes, minuit douze secondes, minuit treize secondes, minuit quatorze secondes, minuit quinze secondes, minuit seize secondes, minuit dix-sept secondes, minuit dix huit secondes, minuit dix neuf secondes, minuit vingt secondes, minuit vingt et une secondes, minuit vingt deux secondes, minuit vingt quatre secondes, minuit vingt cinq secondes, minuit vingt six secondes, minuit vingt sept secondes, minuit vingt huit secondes, minuit vingt neuf secondes, minuit trente secondes, minuit trente et une secondes, minuit trente deux secondes, minuit, trente trois secondes, minuit trente quatre secondes, minuit trente cinq secondes, minuit trente six secondes, minuit trente sept secondes, minuit trente huit secondes, minuit trente neuf secondes, minuit quarante secondes, minuit quarante et une secondes, minuit quarante deux secondes, minuit quarante trois secondes, minuit quarante quatre secondes, minuit quarante cinq secondes, minuit quarante six secondes, minuit quarante sept secondes, minuit quarante huit secondes, minuit quarante neuf secondes, minuit cinquante secondes, minuit cinquante et une secondes, minuit cinquante deux secondes, minuit cinquante trois secondes, minuit cinquante quatre secondes, minuit cinquante cinq secondes, minuit cinquante six secondes, minuit cinquante sept secondes, minuit cinquante huit secondes, minuit cinquante neuf secondes, minuit une minute, minuit une minute une seconde, minuit une minute deux secondes, minuit une minute trois secondes, minuit une minute quatre secondes, minuit une minute cinq secondes, minuit une minute six secondes, minuit une minute sept secondes, minuit une minute huit secondes, minuit une minute neuf secondes, minuit une minute dix secondes, minuit une minute onze secondes, minuit une minute douze secondes, minuit une minute treize secondes, minuit une minute quatorze secondes, minuit une minute quinze secondes,

Minuit une minute quatorze secondes

Les secondes sont inscrites sur un mur. Un seul mur. Elles sont inscrites l’une après l’autre. En partant du milieu de la hauteur du mur, elles se poursuivent vers la droite. Une fois l’extrémité droite du mur atteinte, elles repartent à la ligne, au milieu du mur. L’opération continue jusqu’à couvrir la partie droite du mur, après quoi elle reprend à gauche, à partir du haut jusqu’en bas. Le mur est couvert de haut en bas en deux pans séparés au centre par un espace vide, une reliure. Le corps d’écriture est établi en fonction de la surface du mur à écrire de manière à ce que les quatre vingt six mille quatre cents secondes couvrent complètement le mur, à l’exception de l’espace entre les deux pans, pages. L’espace entre chaque seconde est équivalent à l’espace d’écriture d’une seconde. L’espace d’écriture d’une seconde dépend du nombre de signes composant une seconde. Sachant que chaque seconde possède un nombre de signes variables, l’espace séparant chaque seconde est variable. L’espace séparant chaque seconde correspond à l’espace occupé par les signes de la seconde qui précède l’espace de séparation. La couleur du mur et de l’écriture ainsi que le style typographique sont laissés libres.

Minuit une minute treize secondes

Les secondes sont inscrites sur un mur. Un seul mur. Elles sont inscrites l’une après l’autre. En partant de la hauteur gauche du mur, elles se poursuivent vers la droite. Une fois l’extrémité droite du mur atteinte, elles repartent à la ligne, à gauche du mur. L’opération continue jusqu’à l’épuisement de toutes les secondes d’une journée, jusqu’en bas du mur. Le corps d’écriture est établi en fonction de la surface du mur à écrire de manière à ce que les quatre vingt six mille quatre cents secondes couvrent complètement le mur. L’espace entre chaque seconde est progressif. Le premier espace séparant la seconde une de la seconde deux est équivalent à l’espace standard séparant un mot d’un autre. Le deuxième espace séparant la seconde deux de la seconde trois est double de l’espace standard séparant un mot d’un autre. Le troisième est triple, le quatrième quadruple, l’opération se répète jusqu’à l’espace séparant l’avant dernière seconde de la dernière. La couleur du mur et de l’écriture ainsi que le style typographique sont laissés libres.

vendredi 22 mai 2009

Minuit une minute douze secondes

Les secondes sont inscrites sur un mur. Un seul mur. Elles sont inscrites l’une après l’autre. En partant de la hauteur gauche du mur, elles se poursuivent vers la droite. Une fois l’extrémité droite du mur atteinte, elles repartent à la ligne, à gauche du mur. L’opération continue jusqu’à l’épuisement de toutes les secondes d’une journée, jusqu’en bas du mur. Le corps d’écriture est établi en fonction de la surface du mur à écrire de manière à ce que les quatre vingt six mille quatre cents secondes couvrent complètement le mur. L’espace entre chaque seconde est équivalent à l’espace d’écriture d’une seconde. L’espace d’écriture d’une seconde dépend du nombre de signes composant une seconde. Sachant que chaque seconde possède un nombre de signes variables, l’espace séparant chaque seconde est variable. L’espace séparant chaque seconde correspond à l’espace occupé par les signes de la seconde qui précède l’espace de séparation. La couleur du mur et de l’écriture ainsi que le style typographique sont laissés libres.

Minuit une minute onze secondes

Le présent - l’écriture au présent, la mise au présent de l’ensemble des textes écrits dans un autre temps que le présent, l’écriture au présent seulement de tous les textes dans une vie complète d’écriture, l’obligation par une loi, de tous écrire au présent - constitue l’amorce d’une fiction possible de l’écriture en même temps qu’un projet de théoricien fou. Le présent est la langue de la théorie, de l’analyse. L’analyse est folle car elle est écrite au présent, quasi toujours, selon une règle de pensée implicite qui fixe l’activité cérébrale comme permanente. Il faut continuer à comprendre, quoiqu’il arrive, de n’importe quelle manière. L’analyse devient lyrique, elle combine les propositions initiales, elle étudie chaque combinaison, elle permute les éléments mobilisés, les isole puis les lie en une suite un, puis les délie pour les lier plus loin en une suite deux, puis les délie pour les lier en une suite trois, puis en une suite quatre, une cinq puis une six…L’analyse est impersonnelle, elle ne meurt jamais, l’analyseur n’est qu’un outil utilisé par l’analyse pour se répandre. L’analyse, c’est une figure de train en marche, un fleuve, un courant. Une fois dedans, on sait n’y être pour rien. On est innocent de l’analyse qu’on produit. Vraie ou fausse, l’analyse continue, elle s’abroge elle-même pour se fixer ailleurs. Le passé, le futur, c’est autre chose, c’est de la science-fiction et de l’archéologie, c’est la désunion, c’est une forme de plaisanterie, une lâcheté stylistique, un truc pour newbie du clavier. La machine à voyager dans le temps existe déjà : c’est la conjugaison. Il conjugua – il connut Messaline, lui fit l’amour, etc. Il conjuguera – il ira sur Mars, bâtira, regrettera les petites terriennes, etc. Le présent de l'analyse, l'affirmation du présent : la conjugaison est la machine à voyager dans le temps.

jeudi 21 mai 2009

Minuit une minute dix secondes

Un type voyage, parcourt le monde, s’arrête dans une région particulière, change, est marqué par cette région, change, revient, il a changé. Comment mesurer un tel changement ? Combien de secondes ? Et dans les secondes où il bascule, quelle seconde plus importante qu’une autre ? Combien de temps dure l’orgasme ?

Minuit une minute neuf secondes

Deux choses : l’abstraction et le sexe. Le reste est neutre, fade. Entre l’abstraction et le sexe, tous les intermédiaires possibles, les mélanges, les interversions, les gradations, quatre vingt six mille trois cents quatre vingt dix huit secondes entre minuit une seconde et minuit, l’abstraction et le sexe ou le sexe et l’abstraction.

Minuit une minute huit secondes

Plutôt saoul que seul implique une écriture spéciale, connue, avec des noms d’auteurs connus dans un genre de vie connue, rabâchée et usée, l’alcool les filles et les mots, les putes et les phrases, les verres, les clichés, le folklore et les vers, donc l’alcool au présent est une seconde de vieillesse, une seconde muséale dans le passé d’une littérature d’alcooliques écrivant sur l’alcool et les putes, écrivant sur l’alcool de l’écriture et les filles dans des pages qui restent ouvertes toutes la nuit. L’heure de fermetures des pages n’existe pas, la page est ouverte avec des arrières salles sombres la journée, imperméable au jour, à la lumière de la journée, des salles de musées livresques hyper connus, au sol ravagé par les touristes. Les touristes : les lecteurs d’aujourd’hui qui se moquent des statues qui continuent à vivre là et à boire et à fréquenter les putes alors qu’il est tard, il est très tard dans l’Histoire et les putes sont le passé, sont des passes droits vers le passé, les putes sont les victimes des auteurs pour les auteurs qui ne vont plus aux putes car les putes sont des victimes, c’est connu, on ne va pas aux putes comme on va à la bibliothèque, on va à la bibliothèque pour les putes anciennes, les putes sacrées des anciens auteurs sacrés, les putes des livres mais pas les vrais, pas aujourd’hui, c’est dégueulasse de faire ça, mais un auteur qui va aux putes à cette seconde n’est pas un auteur mais un client, un monstre, un ignoble, un glauque, un taré, un psycho, un ringard, c’est un ringard surtout, un paumé ringard, un passéiste, un auteur présent qui parle du passé et qui veut flamber dans les mots. Pauvre auteur, ses pages ouvertes à pas d’heure et les putes qui attendent leurs mots pour se savoir écrite, encore une fois. Il faut faire soigner le texte par la violence et la dénonciation des putes victimes et des clients bourreaux. Mais le texte continue, le texte à des lecteurs spéciaux, hors temps, hors civilisation, hors barbarie, hors tout, le texte est post-mortem, il vit, il est vivant dans les claques, dans chaque seconde des rues et des claques en bord de mer qui sent le sel – l’iode, l’algue, l’encre - et l’égout. Les quatre éléments de l’Art en bord de mer, du beachart en bord de claque : le sang, le sperme, la pisse, la merde. Les putes lisent, les clients lisent, les putes lisent dans les yeux des clients qui lisent dans les yeux des putes, les putes se lisent entre elles, les clients se lisent entre eux, l’auteur écrit ce qu’il lit dans les yeux des lectrices et des lecteurs, les putes attendent l’auteur, les clients attendent les lectrices, les yeux sont les clients des putes.

Minuit une minute sept secondes

Le réveil est brusque quand il est mortel. En pleine nuit, se mettre debout et regarder l’heure en sachant que l’on ne pas plus dormir avant le matin. Perturbation. Le réveil doit être lent. Réveil télescopique, où toutes les secondes sont passées en revue, comme disposées sur une carte, observable l’une après l’autre. Le texte s’est endormi. A cet instant, il dort. Plus d’activité sauf, hypothétique, les signes des paupières qui s’agitent à intervalle sans régularité temporelle fixe. Difficile d’y compter des secondes. Les paupières du texte. Le corps parfois se retourne. Présence du rêve. Le texte rêve. Mais inaccessible à ses observateurs. Activité secrète du texte, inconsciente, activité cervicale du texte vivant endormi. Là, un labyrinthe juste derrière un geste bref au milieu d’une respiration nocturne. De quoi le texte se souvient-il ? Quelles combinaisons tératologiques peuplent son sommeil ? Le texte s’est endormi et il n’offre plus l’action, la progression de son état de veille.

dimanche 17 mai 2009

Minuit une minute six secondes

L’action, c’est que quelque chose passe, pas seulement que quelque chose se passe. Le passage à l’acte, c’est en plus le passage de l’acte, ou l’acte en passant, ou le passant de l’acte – l’acte, comme un passant, surpris en cours de passage – ou l’action de passer sans acte, ou à travers les actes, ou entre, ou avec ; ou c’est encore l’action du passage dans l’acte de passer. Se retenir de penser de manière allemande et d’émettre : l’actant et l’acté ; ou le passant et le passé ; le passager – The passenger – et le passant ; au passage, d’ailleurs, au lieu de l’être et de l’étant, pourquoi ne pas tomber plus bas et risquer, l’étant et l’été ? L’être et l’été, traité, traité de bonne conduite saisonnière, d’art climatique. L’été, saison de l’étant et de l’être, la plus proche de la température du corps humain. Bref.
De l’acte au passage ou du passage à l’acte, il n’y a pas qu’un pas, il peut n’y avoir qu’un pas mais il peut y en avoir plusieurs, plusieurs syllabes muettes avant d’arriver à la syllabe active, la première syllabe d’un texte activé dans un passage de texte permanent, mais inactif, passant sans marque de son passage, débuté – peut-être n’y a-t-il pas eu de début - avant l’acte un – la première syllabe activée -, et terminé après l’acte final - l’action de la dernière syllabe -, et peut-être n’y a-t-il pas de fin, c’est certain, presque certain, une certitude. L’acte premier et l’acte dernier d’un texte activé et partout, autour, à travers, dedans, le texte passant, le passage du texte.

Minuit une minute cinq secondes

Même ici – surtout ici, à cet instant, dans ce lieu - on ne prend pas assez de temps. Il faudrait du temps, plus de prises dans le temps, c’est-à-dire plus d’espace de texte pour ne rien laisser passer, pour tout bien exposer, bien mettre en avant ce qui est en arrière d’habitude, tout combiner. Un arrêt sur image révèle des profondeurs de champs inaccessibles dans le mouvement. Un arrêt sur texte doit, devrait produire un étagement semblable, des lignes reprises, explorées, des zooms sur des probabilités de textes impliquées par le texte en arrêt. Il faudrait des mises en page. La mise en page, c’est de l’aventure, c’est évident. C’est du temps pris sur du mouvement. L’aventure, la forme d’une page, la page en forme, la mise.

Minuit une minute quatre secondes

Qu’il existe, pour chaque seconde, autant de modes de vie d’un texte – qui peuvent être l’écriture et la lecture d’un texte ou le passage d’un texte, le temps de passage d’un texte -- le temps passé à l’écrire et le lire --, qu’il existe des manières de vivre le texte et qu’il soit vivant, c’est difficile à concevoir quand le texte se donne d’un coup, sans processus, sans mobilité, sans flux d’une de ses parties vers une ou plusieurs des autres limitrophes ou éloignées le long du texte. Mettre des dates au texte est une métaphore. Il faut un cadre plus divisé, il faut plus de cases au texte, il lui faut un échiquier temporel. Une fois l’échiquier disposé, la partie commencée, il faut assumer les pièces du jeu, les textes internes aux cases. Il faut aller d’une case à l’autre, construire les cases, déplacer les textes, accepter les coups anciens, la passé arrive vite, il est vite arrivé, il faut assumer les cases passées. Les cases sont les mêmes, les pièces dans les cases changent - les textes changent, se changent, sont changeants. Les nouvelles pièces n’aiment pas les anciennes. Il faut continuer à jouer et avancer les pièces même si le joueur a vieilli. Mais qu’en une seconde – en une case - se repèrent une ou des manières de vivre dans l’écrit. Chaque seconde travaillée de telle manière qu’on puisse y vivre. La vie des cases.

Minuit une minute trois secondes

Pour être heureux, vivons écrits. Vivons dans l’écrit. L’écrit vivant, la vie dans l’écrit, l’être est heureux.

Minuit une minute deux secondes

Tout n’est pas divisible à l’infini, tout n’est pas infinitésimale. Dans une vie textuelle, après la lettre, il n’y a rien. Sauf à dire qu’une lettre est divisible à son tour en différents traits possibles selon la graphie adoptée. C’est possible, c’est une possibilité, c’est une possibilité de le dire et de le prouver mais il est difficile d’être suivi jusque là.

Minuit une minute une seconde

Quelle seconde est-il ? Quelle minute et quelle heure ? Sous quel angle demande-t-on d’un texte sa situation dans ses parties, sa partition ? Le texte change, la place du texte, la dimension du texte change si l’on considère la seconde seule, la seconde dans la minute et la seconde dans la minute dans l’heure. Il faudrait donc plusieurs textes pour chaque catégorie de seconde – pour chaque espèce plus exactement, une seconde textuelle étant une forme particulière de vie, ou de manière de vie, de donner vie à ce qui, sans texte, serait sans rebonds – car le texte rebondi, il est prétexte à rebonds, à désaccords, à prises de paroles, à ricoches, il est inducteur d’autres textes possibles. Quoi de commun entre la première seconde de minuit une minute, la première seconde de la minute une de minuit –qui est elle-même la seconde minute de minuit -, la soixante et unième seconde de minuit, la soixante et unième seconde de la journée complète ? Quoi de commun si la nomination change ? Il existe autant de manières de nommer une seule seconde que de situations d’une partie à l’égard d’un tout, et il existe autant de situations possibles que de possibilités nominales.
Minuit une minute une seconde. Une seconde d’une minute dans minuit. Seconde soixante et une dans minuit. Une seconde de minuit une minute. Une minute une seconde de minuit. Une seconde dans minuit. Première seconde de minuit une minute. Seconde une de minuit une minute. Seconde une de la seconde soixantaine de secondes de la deuxième minute de minuit. Seconde une de la deuxième minute d'une journée. Seconde soixante et une de l'heure une d'une journée. Seconde une, minute une passé de une seconde, minuit. Une seconde, minuit une minute. Seconde soixante et une de quatre vingt six mille quatre cents secondes. Etc.

jeudi 14 mai 2009

Minuit une minute

Ne pas inscrire sur les pierres tombales les dates de naissance et de mort, mais le nombre de signes écrits, le nombre de signes vécus par les individus, preuve d’écriture dans la vie.

Minuit cinquante neuf secondes

Douter du texte comme on met en doute l’horaire que l’on consulte – être en retard, en avance. Le doute, un genre de temps textuel, ou de texte temporel. Etre à l’heure dite au moment, à l’instant de sa diction. La diction d’une minute en une minute. Impossible – et déjà dit, plus bas, tout à l’heure, c’était il y a quelques secondes déjà, quelques milliers de signes.

Minuit cinquante huit secondes

La vie marchande de l’écrit-seconde, de l’ES, de l’écriture du temps, est une vie aléatoire, suspendue, dont le modèle économique, à cette heure encore matinale du texte, n’est pas encore au point, est encore expérimentale, en phase d’expérimentation – le tout en une seule phrase, il faut le signaler à l’attention du lecteur, du patronat qu’est la communauté des lecteurs, communauté patronale parfois superficielle, et qui traite mal son employé-auteur, en ne voyant pas, en lisant trop vite, ce qui, dans un écrit du temps, est une faute, une faute grave de patron qui dirige son entreprise de lecture.

Minuit cinquante sept secondes

Si le temps est un genre, dire genre T, et dire sous-genre st - pour sous-genre de temps dans le cas d'un temps interne au temps principal qui est T -, et dans sous-genre st, dire strc - pour sous-genre de temps rétro-chronologique - c’est une formalisation certes, mais c’est un signe en lui-même, c’est un idéogramme, un idéogramme à éléments latins dont la décomposition donne un concept, ou une expression, ou une phrase, selon la complexité choisie de l’idéogramme élaboré. Il existerait ainsi des règles d’idéogrammatisation du latin dont l’acronyme, l’exposant, la majuscule et la minuscule, le gras, l’italique et le souligné constituent des bases graphiques potentielles. Quel rapport au temps, à l’écriture du temps, au temps écrit ? Un acronyme est un genre de parataxe graphique, c’est une écriture à grande vitesse, une EGV, qui, appliquée à la seconde textuelle, permettrait d’écrire virtuellement plus de signes que ceux effectivement inscrits. Un genre de fuite en avant pour écrire de moins en moins tout en continuant de vivre d’écrits.

Minuit cinquante six secondes

Il peut exister un décompte linéaire – une histoire linéaire, une histoire racontée du début à la fin. Il peut y avoir, au sein d’un décompte linéaire, des brusques décalages, des ruptures chronologiques, des anticipations et des anachronies, des passages d’un temps dans un autre au sein d’un temps majoritairement orienté du début vers la fin. Il peut y avoir des décomptes anti-linéaires, désordonnés ou d’apparences désordonnés, organisés selon un autre rythme que la linéarité. Il peut y avoir aussi un décompte rétro-chronologique, de la fin vers le début. Il peut aussi y avoir des apparences de linéarité et d’anti-linéarité ou de rétro-chronologie. Partant ainsi de neuf, ou de trois, prononçant neuf ou trois jusqu’à un pour, à zéro, déclencher le départ, c’est une rétro-chronologie apparente, puisqu’en fait, l’objet du décompte, le départ, est linéaire. Concevoir dans le texte, un décompte de ce genre annonçant l’imminent passage d’une seconde à l’autre, ou d’un groupe de secondes à un autre groupe – d’une minute à l’autre ou d’une heure à l’autre – est une rétro-chronologie apparente, elle-même incluse dans une chronologie linéaire – la suite nommée des secondes dans l’ordre naturelle de leur apparition. Dans le grand genre du temps, le genre T, il y aurait de multiples sous-genres de temps, des genres st – genre strc, pour sous-genre rétro-chronologique, par exemple – dont l’emploi dans le texte du temps permettrait des amplifications de vie par l’écriture. Temps libres dans les règles du temps, dans la régulation du temps écrit.

Minuit cinquante cinq secondes

Le temps : le flux d’écriture ; le temps lui-même, le terme temps, les noms du temps quotidien – seconde, minute, heure -, inscrit dans le flux d’écriture, comme une simple portion du temps textuel. Le temps lui-même inscrit dans le temps du texte en une seule seconde de texte – une seule seconde récapitulant tous les noms du temps dans son texte.

Minuit cinquante quatre secondes

Que chaque seconde écrite soit une proposition de mode de vie dans et par le texte, une manière de vivre l’écriture d’un texte et l’écriture quelque soit le texte écrit – comme baiser, boire, manger, dormir -, cela ne fait aucun doute, c’est l’évidence même de la seconde, l’heure exacte, l’exactitude d’une horaire textualisée de la première à la dernière seconde.

Minuit cinquante trois secondes

Il peut exister une structure seconde au sein d’une structure première. Il pourrait exister une structure nouvelle, changeante, évolutive, au sein d’une structure programmatique, la suite complète des quatre vingt six mille quatre cents secondes d’une journée de vingt quatre heures et mille quatre cents quarante minutes. Cette structure nouvelle pourrait dissocier le texte de la seconde ; un texte pourrait être commun à deux ou plusieurs secondes ; un texte pourrait ainsi enjamber une seconde pour aller dans l’autre. Il y aurait un ensemble A – une seconde quelconque dans la suite des secondes, par exemple minuit cinquante deux secondes – et un ensemble B – la seconde suivante, minuit cinquante trois secondes – et un ensemble C – minuit cinquante quatre secondes – et un ensemble D, E, F, G, et cela jusqu’à la dernière seconde de la journée, minuit. Et il y aurait un premier ensemble commun à A et B qui serait AB ; un ensemble commun à B et à C qui serait BC, ceci jusqu’au dernier ensemble commun à vingt trois heures cinquante neuf minutes, cinquante neuf secondes et minuit. Ces ensembles communs n’occuperaient pourtant pas la totalité d’une seconde, qu’ils scinderaient en quelque sorte en deux, le texte de la seconde minuit cinquante trois coupée en son milieu par, en première partie, l’ensemble AB, et en secondes partie par l’ensemble BC. Non. Il y aurait une partie du texte de minuit cinquante trois secondes - par exemple -- c’est une seconde choisie de manière aléatoire comme pouvant être une seconde-modèle, une seconde-exemple dans quatre vingt six mille quatre cents exemples possibles --, une partie de cette seconde, partie plus ou moins vaste, qui serait considéré comme strictement appartenant à l’ensemble minuit cinquante trois secondes. Cette partie ne serait commune ni à AB ni à BC. Elle serait plus ou moins vaste car, soit elle serait de dimension équivalente à AB et BC, c’est-à-dire qu’elle diviserait la seconde en trois tiers, en un tercet de blocs de texte équivalents en nombres de signes, soit ce serait un texte beaucoup plus vaste, qui relèguerait ainsi AB à être un texte introductif/conclusif des secondes présente/précédente et l’ensemble BC à être un texte conclusif/introductif des secondes présente/suivante. Ou l’inverse. Ce qui suggère aussi que chaque ensemble commun soit des ensembles ouverts et fermées selon un mode parenthétique particulier – plutôt que des parenthèses, trop utilisées partout, on préférera le tiret qui, dans sa graphie, renvoie à la ligne -- la ligne d’écriture -- chaque nouveau tiret indiquant une précision nouvelle. Ou bien le texte strictement appartenant à la seconde serait plus court que les textes des deux ensembles communs.
On le devine aussi, chaque ensemble commun à deux secondes aura la propriété d’occuper, de couvrir, cet espace mystérieux qui sépare une seconde d’une autre. Cet espace peut être extrêmement court ; mais il peut être aussi extrêmement long, d’une longueur qui dépasse la journée, en tant que texte. Donc le texte commun AB peut très bien ne pas apparaître complètement dans les deux secondes qu’il réunit. Il peut très bien n’apparaître qu’à titre d’extraits d’un texte plus vaste inscrit dans l’espace séparant une seconde d’une autre. De fait, un ensemble commun est une possibilité d’annexer au temps des secondes, les différents temps qui lui échappent, c’est-à-dire les différentes variétés de temps intermédiaires aux unes et aux autres. Ceci afin que rien ne passe qui ne soit texte, et rien qui soit passage du temps qui, d’une manière ou d’une autre, ne fasse l’objet d’une mise en texte, c’est-à-dire d’une organisation de la vie en lignes, paragraphes ou séquences. Qu’en plus du passage indifférencié, et conservé dans son indifférence passagère, de la suite impersonnelle des secondes d’une journée ordinaire, on trouve intégrées les interstices qui séparent toute unité divisée. Et, parallèles ou en surplomb, les différents types de formes d’organisation de ce passage des unités et des interstices d’unités, leur formes, qui sont des formes de vie textuelles, une forme de vie par le texte. Structures vivantes de texte.

Minuit cinquante deux secondes

Un mode de vie étant une suite de gestes répétés, d’actions répétées jusqu’au rituel, un mode de vie étant un mode de rythme permettant l’appréhension du nombre dans l’existence, du caractère jouissif du nombre dans le vivant, nombre qui permet la composition, la décomposition, la recomposition des gestes et des actions en ensemble plus ou moins vastes et changeants, un mode de vie dans le texte peut donc être la division d’un texte en une journée commune à toutes les journées terrestres et à tous les individus, par la seconde, de la première à la dernière. Une seconde étant l’unité minimale d’inscription de la journée, chaque seconde est en même temps frontière, frontière entre le plus grand, la totalité d’une journée, et le plus petit, la division d’une seconde par le texte. Le texte est divisible et la seconde se divise à son tour. De fait une seconde peut-être le compte rendu d’une journée, d’une année, d’une vie ou de plusieurs. Elle peut-être moins qu’une seconde ou être homothétique à la seconde.

mardi 12 mai 2009

Minuit cinquante et une secondes

Un - Une seconde de vingt quatre textes – Deux - Une seconde de vingt quatre textes peut-être composée de plusieurs façons – Trois - Une seconde de vingt quatre textes peut-être composée d’un texte unique divisé en vingt quatre séquences – Quatre - La division d’un texte en vingt quatre séquences peut être la simple coupe d’un texte en vingt quatre partie sans travail sur la coupe – Cinq - Un texte – Six - coupé – Sept – En - Huit - vingt quatre troncs – Neuf - sans travail sur la coupe – Dix - Ou la coupe du texte peut être obtenue de telle manière qu’à chaque progression d’un texte le long des vingt quatre coupes, le texte s’allonge – Onze – Le texte s’allonge en repartant du début et en répétant chaque fois le texte précédent en lui ajoutant un mot ou une phrase – Douze – un mot ou une phrase de telle manière qu’à la fin le texte soit complet et compréhensible – Treize - Mais une seconde peut être aussi divisée en vingt quatre textes dissemblables – Quatorze - Sans rapport l’un avec l’autre – Quinze - Ou bien une seconde peut être aussi le passage d’un texte un dans un texte vingt quatre à travers vingt deux textes intermédiaires – Seize – Passage dont l’insensibilité progressive n’empêche pas la conservation du mécanisme initial – Dix sept – Passage se faisant généralement par des reprises – Dix huit – Des reprises de termes d’un texte à l’autre le long des vingt quatre étapes – Dix neuf – Reprises dont le sens change à mesure du progrès d’une séquence de jeu – Vingt - Jeu dont l'objet peut-être d’amener la balle proche du but adverse afin de marquer – Vingt et un - Approche dont les centres vers le but adverse échouent parfois aboutissant à de longues balles hésitantes au dessus du terrain – Vingt deux - Longues balles hésitantes dont la reprise constitue une volée – Vingt trois – La reprise de volée étant souvent spectaculaire, unique, cinématographique – Vingt quatre - Reprise de volée dont on ne se lasse jamais et qui se trouve souvent répétée sur les écrans, au ralentie, presque vingt quatre images par seconde.

Minuit cinquante secondes

Vingt quatre textes par seconde est une correspondance, c’est une correspondance avec la forme cinématographique, une correspondance abusive car une seconde écrite ne suppose pas qu’il faille vingt quatre textes, vingt quatre textes pour en saisir le mouvement, c’est la lecture qui rend mobile le texte, c’est la lecture qui rend sonore la répétition, il n’y a pas besoin non plus de vingt quatre mots par seconde pour animer un texte, pas plus qu’il ne faut vingt quatre syllabes par seconde, le nombre vingt quatre appliqué à l’écriture d’une seconde est une correspondance abusive avec le mouvement de l’image mais inévitable, car la correspondance est un outil du texte, il y a donc dans une texte divisé en secondes des correspondances abusives mais inévitables avec d’autres disciplines, des associations d’idées, et dans l’idée de seconde il y a l’ idée d’image, vingt quatre images pour créer une animation pour l’œil, mais la vitesse de l’œil captant un texte n’est pas équivalente à la vitesse des images projetées pour l’œil, de sorte qu’une seconde de vingt quatre textes est une correspondance.

Minuit quarante neuf secondes

Un. Qu’est qu’Un sachant qu’Un n’est pas une unité unique mais un groupe d’unités unies. Un est une illusion de Un, une ombre, un faux. Deux. Deux est la somme de deux Uns et le nom unique de cette somme, c’est donc une unité comme Un qui ne se cache pas derrière l’illusion d’un Un unique. Deux est donc Un. Deux est un Un honnête. Trois est la somme de trois Uns ou d’un Deux et d’un Un. Après Deux, toutes les unités fonctionnent presque comme un Deux, soit la somme d’unités franchement perceptibles car jamais désignées par Un seulement mais par le nombre variable d’unités qui compose cette somme. Donc, tous les Uns sont honnêtes sauf Un.

Minuit quarante huit secondes

La chevelure, le cheveu, le nombre des cheveux perdus, le décompte des cheveux, longs, courts, mi-longs, dégradés, au carré, bouclés, ondulés, raides, blancs, blonds, bruns, noirs, lisses, le compte des cheveux est une activité possible et similaire à l’action d’écrire les secondes l’une après l’autre dans l’ordre ou le désordre, est une action similaire au compte et à la description géométrique, géologique, chromatique des grains dans un sable, ou le compte et la taxinomie des herbes dans un gazon, c’est une activité modeste et précise, une activité obsessionnelle, une forme de perfectionnement par le rythme et la répétition d’une certain nombre de gestes dont la variation l’emporte sur la ressemblance car il n’existe pas deux tirs à l’arc semblables ou deux pas semblables, ou deux brasses, ou deux coupures de rasoirs sur la joue, ou deux textes identiques, même si l’un est la copie de l’autre, chaque copie étant datée, la date différencie le texte.

lundi 11 mai 2009

Minuit quarante sept secondes

Puisqu’une seconde est l’unité standard du présent, qu’elle signifie et désigne le présent dans sa plus complète dimension, l’écriture d’une seconde doit, d’une manière ou d’une autre, désigner le présent de l’écriture, c’est-à-dire l’écriture elle-même, ce qui n’est pas une fermeture mais une ouverture considérable, difficile à assumer même, tant les désignations deviennent multiples, désorientées, distendues ( comme un plan brusquement étagés en plusieurs dont l’imbrication constitue la phase initiale d’appréhension (( phase décomposée elle-même dans la captation des étages l’un après l’autre ((( isolés d’abord puis reliés ))) à travers un parcours indirectement descriptif )) après quoi on peut raconter toutes les histoires possibles dans ce décor légèrement hétérogène).

Minuit quarante sept secondes

Que chaque seconde apparaisse si différente les unes des autres qu’elles semblent toutes appartenir à des temps, à des jours différents. Qu’à l’extrême fin de la journée, à minuit, un jour complètement écrit soit une anthologie de secondes prises non seulement dans plusieurs jours d'un narrateur mais aussi chez plusieurs narrateurs possibles, autant de narrateurs que possible, empruntés au présent, au passé et au futur, ce qui implique l’invention d’individus, d’êtres vivants non encore procréés dont la preuve d’existence serait la ou les secondes imaginées et qui les désignent.

Minuit quarante six secondes

Une seconde dite à voix haute diffère d’une seconde lue sans voix, une seconde muette mais audible par celui qui la lit pour lui-même, qui diffère elle aussi d’une seconde dite à voix basse et lentement, contrastant aussi avec la vitesse d’écoute du lecteur, lequel ne lit plus mais entend, c’est-à-dire qu’il capte à mesure sans contrôle, tout ce qui lui échappe restera échappé, sans possibilité de reprise, sinon par la répétition peut-être déformée d’un ou plusieurs acolytes auditeurs. Je doute qu’à voix haute, même claire, audible, d’une grande pureté sonore, d’une épuration des phonèmes parfois écorchés que la voix haute provoque dans le texte qu’elle transmet, je doute que la phrase précédente puisse être parfaitement entendue, comprise en une seule fois par l’auditoire, même le plus attentif, le plus gagné à la cause de l’écriture du temps, ceci à cause des sons qui, sans signes distinctifs de sens, saccage le système assoupli pour passer à l’écoute, phénomène partagé par la phrase présente, ce qui provoque la phrase suivante, conclusive, si vous suivez. Une seconde d’inattention provoque vite le ouï-dire, peut- être aussi le ragot, ou pire, le radotage, la ratiocination ou le rejet.

Minuit quarante cinq secondes

Une seconde est une séquence d’écriture plus ou moins longue et liée aux secondes limitrophes d’abord, à toutes les secondes d’une journée ensuite, avec lesquelles elle entretient des rapports d’homothéties ou d’homophonies évolutives aboutissant vite à une hétérotopie compulsive perceptible au sein de la seconde elle-même, dont la phrase terminale s’éloigne parfois prodigieusement de la phrase initiale - on ne néglige pas non plus la probabilité qu’au sein d’une même phrase, les syntagmes soient disjoints entre eux, malmenant la logique, égarant le lecteur, brouillant le temps.

Minuit quarante quatre secondes

Un genre d’océan. Une sorte de matière océanique, sablonneuse, huileuse, polluée comme doit l’être un océan réaliste, bourré de plomb, d’acides et de plastiques, avec dedans des êtres vivants modifiés, des mutants, des mutations de plantes, des croisements de règnes, le minéral, le végétal, l’animal, l’architectural, le tout exhalant des odeurs diffractées, puantes, âcres, salines, iodées, bonnes, épicées, cariées. Les genres littéraires, artistiques, scientifiques, culturels – cuisines, mode de vie, agricultures - développés par les civilisations de cette planète secondaire dans le système des quatre vingt six mille quatre cents astres qui composent l’Empire galactique ( autrefois une république, plus loin encore une fédérations de micros-systèmes planétaires, avant encore, des planètes indépendantes qu’un passé lointain avait connu divisé en pays, régions, villes, villages, tribus, familles, individus ), ces genres, détaillés l’un après l’autre, révèlent une obsession du temps diffracté, exploré, allongé, proportionnel à l’importance de cette planète dans les annales impériales : à peine plus d’une seconde, comme dite en pensant par un chambellan pressé au milieu d’une séance fastidieuse d’un conseil gouvernemental expédié en pleine période estivale – la cour absente, l’Empereur à la mer, les ministres en vacance.

dimanche 10 mai 2009

Minuit quarante trois secondes

Seconde didascalique. En marge du temps, indiquer les moyens d’arrêt, d’accélération ou de décélération, les moyens de transports dans le temps. Toujours avoir du texte en marge quand on s’interroge sur l’heure.

Minuit quarante deux secondes

La durée de lecture d’une seconde est composée de multiples secondes, elle peut être lue lentement, en marquant artificiellement des accents, en allongeant démesurément des syllabes, en élisant certains phonèmes plus longuement que l’habitude, en prolongeant délibérément des sons. Elle peut être lue plus lentement qu’elle n’a été écrite, subissant des retours, des arrêts, des reprises en amont. La durée de lecture d’une seconde peut-être plus rapide que l’écriture d’une seconde en occultant des syllabes, en provoquant des parataxes, en sautant des lignes secondaires. La durée de lecture peut être vraisemblable, adéquate au modèle abstrait de lecture ordinaire. La seconde peut durer plus longtemps qu’elle ne dure dans la lecture et la lecture plus longtemps qu’elle ne dure dans l’écriture et l’écriture durer plus lentement qu’elle ne dure dans la seconde et la seconde plus longtemps qu’elle ne dure dans l’écriture de la lecture ou la lecture de l’écriture. Au sein d’une seconde, la lecture peut être lente d’abord, ordinaire ensuite, rapide à la fin. Elle peut être l’inverse. La combinaison du temps de lecture et d’écriture compose la durée moyenne d’une seconde écrite et lue.

Minuit quarante et une seconde

Une seconde d’écriture peut être le portrait exact de la seconde pendant laquelle on l’écrit, impliquant l’écriture de la seconde seulement, sans le texte qui la suit, et dans cette tentative de correspondance permanente entre le temps réel et l’écriture du temps, un décalage se produit qui s’accentue, produisant un troisième temps, celui du temps réel mis pour écrire telle portion du temps, puisqu’inévitablement, une telle équivalence est impossible, il faut toujours beaucoup de temps pour écrire le temps.
Il propose donc d’écrire en direct et en public pendant un temps donné, par exemple vingt minutes, les secondes les unes à la suite des autres à partir de l’heure réelle où il débute son labeur. Le résultat diffère à chaque nouvelle action de ce genre, le nombre de secondes écrites variant en fonction de l’intensité et de la vitesse de sa frappe ce jour là. On le paye pour ça, pour l’écriture, en direct, d’un nombre non prémédité de secondes pendant un temps prémédité d’écriture.

samedi 9 mai 2009

Minuit quarante secondes

La seconde est précieuse car elle est une forme de goutte d’un liquide très spécial, rare et compté, qui désaltère et n’étanche pas la soif, un liquide divisible en unités plus ou moins semblables, qui, une fois tombées, éclatent selon un périmètre d’impact extrêmement diffus. Si l’énoncé d’une seconde, sa mise en lettre constitue la goutte, le texte lui, correspond à son explosion au sol, à sa multiplication lisse, en deux dimensions, sur le sol de l’écran ou du papier. La fin d’une goutte : le début du texte, l’indéfini du récit dans la division d’une seconde en phrases plus ou moins liées, renversées l’une contre l’autre et collées.

Minuit trente neuf secondes

Une seconde en toute lettre est un vers, un genre de vers dont la mobilisation en séquence est variable, soit « figurative » car groupée en minute ou heure ou même journée, soit « abstraite » car groupée en quatrains de secondes, ou dizains, ou sextines, sonnets, ou odes, ou même en groupes inédits de secondes, tantôt dix, tantôt cinq, tantôt une, et puis reprise - par exemple. Un recueil peut être aussi une minute ou une heure. Une journée peut être une anthologie de recueil ou un recueil de recueil. Les proportions d’un recueil ou d’une séquence peuvent varier selon la masse textuelle impliquée : une minute peut-être plus longue en nombre de signes qu’une heure, etc.
Chaque mise en lettre de seconde est donc un vers qui introduit un bloc de texte variable et ce texte est un récit.
Ainsi, chaque vers serait donc le titre d’un récit possible.
Et la table des matières d’une prose, un poème.
En un seul objet d’écriture - une journée écrite - on aurait à la fois la prose et le poème liés structurellement selon les codes habituels de la division du texte.
Se dire ainsi qu’à chaque seconde de la journée, on dispose d’un vers à porté de soi, et qu’après le vers, on dispose d’un récit, que rien n’échappe au texte, que toute journée répétant les mêmes quatre vingt six mille quatre cents secondes, il suffit d’avoir pleinement vécu une journée complète d’écriture pour les avoir toutes vécues de cette manière. Toutes les journées de sa propre vie, mais aussi les journées de toutes les autres vies et toutes les journées terrestres possibles et imaginables du passé, du présent et du futur. Et qu’ainsi, l’immortalité, c’est la métrique. La répétition écrite, inscrite, vécue.

Minuit trente huit secondes

Egalement distante et accessible, la seconde laisse une place courte au doute et oblige de faire un choix rapide pour sa capture. D’abord, il arrive parfois qu’une journée ordinaire – ordinaire pour ne pas dire réelle - passe plus vite que l’écriture d’une seconde. Il faut donc faire vite, aller vite à la seconde, s’en saisir et la mettre en texte, l’enfermer là pour l’ouvrir mieux, la disséquer pour s’en nourrir. Ensuite, une seconde n’est pas seule, d’autres attendent devant et à cette heure très matinale, à cet instant, le choix paralyse ou euphorise. Il ne favorise pas le plan, la carte à parcourir que l’on s’est donné comme but - il y a quelques dizaines de secondes déjà.

vendredi 8 mai 2009

Minuit trente sept secondes

Le temps passe, le temps qui passe est un temps combattant, il combat pour passer, il passe en abattant, il ne s’abat jamais, il ne passe jamais sur lui-même, le temps passe pour les autres que lui, les autres ne passent jamais sur le temps, le temps passe sur les autres abattus, les abattus sont passés par le temps, le temps passe en passant sur ceux qu’il abat par le temps, le temps passe.

Minuit trente six secondes

La seconde suivante est la seconde qui suit la seconde présente qui suit la seconde précédente, ou la seconde suivante est suivie de la seconde qui la suit dans la suite des secondes qui se suivent, ou la seconde suit la seconde qui l’antécède, et la seconde est suivie de la seconde qui la précède, et la suite des secondes est une suite de secondes se suivant et se précédant sans se doubler, une seconde doublant une autre seconde sur la ligne de circulation des secondes serait une seconde dangereuse, une seconde dangereuse serait une seconde doublant l’ordre des secondes inscrites l’une après l’autre selon la suite logique des secondes de la journée de minuit une seconde à minuit, en passant par une heure une seconde ou dix huit heure dix huit minutes dix huit secondes, une seconde doublant une seconde qui la suit immédiatement serait une seconde substituant l’identité d’une seconde, une seconde factice, chaotique, masquée, une seconde doublant plusieurs des secondes qui la suivent directement est une seconde accidentelle, provoquant un accident sur la ligne de circulation des secondes inscrites, un accident est un arrêt dans la suite des secondes en circulation impliquant la perte possible de secondes et l’hospitalisation du temps, sa convalescence, l’indisponibilité de certaines secondes après lesquelles les secondes suivantes ne peuvent se suivre sans se perdre. Un arrêt de travail pour le Travail d’inscription des secondes qui se suivent.

Minuit trente cinq secondes

Tandis que l’on s’éloigne et tandis que l’on se rapproche, tandis que l’on s’éloigne du début, que l’on s’approche de la fin, que l’on s’approche du début, que l’on s’éloigne du milieu, que l’on s’approche du milieu, que l’on s’éloigne de la fin, que l’on s’approche du début du début, que l’on s’éloigne de la fin en se rapprochant du début, que l’on s’approche du milieu en s’éloignant du début en s’approchant de la fin, que l’on s’éloigne de la fin en s’approchant du milieu, que l’on s’approche de ce qu’on s’éloigne, le début, la fin, le milieu, le début du milieu, le milieu de la fin, la fin du début, tandis que l’on s’approche de la fin, la seconde n’avance plus, la seconde n’avance plus vers la fin du début, la seconde débute chaque fois par l’éloignement du début, ou la fin du rapprochement de la fin, et l’avance n’avance pas vers la fin du rapprochement du début de l’éloignement de la fin, et le début s’éloigne du rapprochement de la seconde la fin du début, et l’avance ne débute plus par le début du rapprochement de la fin du début avant le milieu du milieu et la fin de la fin, et la seconde avance vers la seconde finale, tandis que l’on s’approche de la seconde suivante.

Minuit trente quatre secondes

Tandis que l’on s’éloigne, tandis que l’on s’éloigne du début, un début imperceptible car très court, très proche de la fin, très rapproché du milieu et du milieu du début de la fin, ou de la fin du début de la fin, ou de la fin du début du milieu, ou du milieu de la fin du début, ou du début du milieu du début de la fin, ou du début du début du milieu de la fin du début du milieu, ou de la fin du milieu du début de la fin, ou du début de la fin du milieu de la fin du début, ou du milieu de la fin du début de la fin du milieu, ou de la fin de la fin de la fin du début du milieu de la fin, ou du début du milieu du milieu de la fin du début du milieu du début, ou du début de la fin de la fin du milieu du début du milieu de la fin de la fin du début, ou du milieu du milieu du début du milieu de la fin du milieu du début du milieu du milieu, ou du début de la fin du début du milieu de la fin du début de la fin du milieu du début de la fin du début, ou du début du début de la fin du milieu, ou du milieu du début de la fin ou du début, ou du début du début, ou du début du début du milieu du début, ou du début du début du milieu du début de la fin du début, ou du début du début du milieu du début du début du milieu de la fin du début, ou du début du début du milieu du début du milieu de la fin du début du début, ou du début de la fin du milieu du début, ou du milieu du début du début, ou du milieu du milieu, ou du début de la fin du milieu, ou du milieu du début de la fin du milieu, ou de la fin du milieu du début de la fin du milieu, ou du début de la fin du début de la fin du milieu, ou du milieu de la fin du début de la fin du milieu, ou de la fin du milieu du début de la fin du milieu, ou du début de la fin du début de la fin du milieu, ou du milieu de la fin du début de la fin du milieu, ou de la fin de la fin du début de la fin du milieu, ou du début du milieu de la fin du milieu, ou du milieu du milieu de la fin du milieu, ou de la fin du milieu de la fin du milieu, ou du début de la fin de la fin du milieu, ou du milieu de la fin de la fin du milieu, ou de la fin de la fin de la fin du milieu, ou du milieu, ou du début du début de la fin, ou du début du milieu de la fin, ou du début de la fin de la fin, ou du milieu du début de la fin, ou de fin du début de la fin, ou du milieu de la fin ou de la fin – tandis, donc, que l’on s’éloigne du début et se rapproche de la fin, on ne sait plus très bien pourquoi, quelles sont les raisons de cet éloignement et de ce rapprochement.

dimanche 3 mai 2009

Minuit trente trois secondes

Si chaque seconde est une planète, l’espace qui sépare les secondes est une affaire de temps. Combien faut-il de temps pour se rendre d’une seconde à une autre ? Dans un temps ordinaire, il y a une équivalence : une seconde dite est égale à une seconde tue. Il devrait y avoir, dans une journée d’écriture, un texte silencieux, virtuel, qui sépare deux secondes textuelles. Rien n’empêche donc, entre deux secondes ici, d’écrire ailleurs pour combler les vides.

Minuit trente deux secondes

Seconde archéologique. Déjà, l’envie de retourner voir la première seconde, de fouiller le passé, d’y trouver les ruines d’un temps qui n’a pas abouti aux rêves qu’il s’était donné. Il est encore possible de tout changer, de suivre un schéma homogène. Monter une expédition, mettre en place un campement pour les fouilles, comprendre pourquoi les bifurcations se sont multipliées. Etablir, pour chaque seconde, un damier, une division en cases de recherche. Une seconde pixellisée.

Minuit trente et une secondes

L’écriture de toutes les secondes est une forme de science-fiction du quotidien, une journée science fictionnelle, intimiste et technique. Le futur est là, immédiat car l’angoisse de ne pas y arriver l’emporte par instant sur l’instant. Seconde présente consacrée aux secondes futures, que l’on tente de prévoir afin de disposer d'un stock d’écriture chronographique en cas de panne dans le long voyage vers minuit, l’ultime seconde, la dernière étape de la journée, planète du dernier vol.
Chaque seconde est une planète ou un astre ou un phénomène spatial. Dans le système du Féminin des nombres, les lois d’attraction, de gravitation et de mécanique sont hypothétiques. A mesure que l’on se rend d’une seconde à l’autre, les théories changent et donc les moyens d’aller de l’une à l’autre aussi.
Seconde habitée, inhabitable, désertée, en cours de formation.
Seconde possible - inqualifiable.

Minuit trente secondes

Qu’il existe une foule d’expositions possibles d’une journée complète n’interdit pas qu’on puisse les énoncer, une par une, jusqu’à la dernière seconde, minuit. Chaque seconde serait alors le concept, la partition et la description de la mise en espace d’un jour écrit. Chaque partie énonce le tout. Une seconde est le concept d’une journée spatialisée, seconde plus longue à l’intérieur qu’elle n’est à l’extérieur, quand, brièvement, on la compte sans s’y arrêter.
Proposition : une seconde par coordonnée géographique. Reste à déterminer le nombre de coordonnées possibles. Trois possibilités : soit le nombre de coordonnées et de secondes correspondent et le problème est résolu. Soit il y a plus de coordonnées que de secondes et donc l’espace terrestre dure plus d’une journée exposée. Soit il y a plus de secondes que de coordonnées et il faut plus d’une planète terre pour une journée terrestre.

Minuit vingt neuf secondes

Utiliser l’architecture du lieu pour inscrire les secondes, soit en les identifiant avec la totalité de l’espace choisi, par exemple, une marche d’escalier = une seconde. Soit en les groupant selon des séquences aléatoires ou non : une minute par mur, etc. L’organisation des séquences n’est pas précisée.
Certaines propositions sont des partitions. L’exécutant est libre d’effectuer l’inscription à sa guise en respectant les postulats de départ. Ces postulats n’indiquent pas tout. Tout ce qui n’est pas précisé est donc l’occasion d’une interprétation potentielle : choix des couleurs, graphie, corps des caractères, organisation des séquences.
Temps libre, donc.

Minuit vingt huit secondes

Une seconde par mur. Quatre vingt six mille quatre cents murs prévus dans une architecture chronologique, bâtie pour l’occasion. Murs équivalents au début, puis des décalages se font, des irrégularités, des dissymétries dans le périmètre des uns et des autres. Retour à la fin aux dimensions initiales. Comment gérer les sols et les plafonds dans cette affaire ?
Projet totalitaire, sans aucun doute.

Minuit vingt sept secondes

La spatialisation du temps.
Exposition d’une journée complète. Toutes les secondes inscrites l’une après l’autre sur un seul plan. Toutes écrites sur un mur ou plusieurs. Le choix de plusieurs murs a des implications. Nombre de secondes par mur ? Un mur = une heure ? Donc vingt quatre murs. Ou bien choisir une progression. Un mur = une demi-journée, douze heures, un alexandrin horaire. Puis six heures, puis une, une demi. A la fin, un mur = une seconde.
Il existe une multitude de proposition d’exposition.
A cette seconde, la proposition consiste à inscrire toutes les secondes dans une pièce circulaire disposant d’une seule ouverture qui sert d’entrée et de sortie. L’inscription couvre la totalité de la surface murale, elle ne laisse aucun espace vide, les secondes se suivent de haut en bas et débutent à mi porte en partant de la hauteur, se poursuit de gauche à droite et descend jusqu’au sol une fois la boucle effectuée. Ecriture noire sur fond blanc, à l’encre de chine à partir d’un rapporteur.

samedi 2 mai 2009

Minuit vingt six secondes

Tenir, c’est la question qu’il se pose alors qu’on l’oblige à continuer cette activité épuisante, qui demande un renouvellement permanent à chaque nouvelle reprise, avec, cependant, la conservation d’un fil pour ne pas égarer son ou ses potentiels bénéficiaires qui, derrière lui, l’observent en direct à mesure qu’il progresse tant bien que mal dans le vide. Il pourrait s’arrêter maintenant et ce serait le vide, là juste après, rien. Mais non, il doit continuer sous la menace de – de quoi exactement ? Il ne s’en souvient plus trop, il sait ou il sent que si cette activité cesse, quelque chose de terrible va s’abattre. Bien entendu, il s’est demandé souvent si l’ennemi tant redouté n’était pas lui-même. Il se méfie de lui depuis quelques temps et il a décidé d’une parade qui lui permet de se regarder d’un peu plus loin que d’habitude. Il ne se parle plus qu’à la troisième personne du singulier. « Je connais ce type » dit-il souvent comme il se croise en ville, au détour d’un pan vitré d’immeuble. Il faut dire qu’il ne sort plus beaucoup avec la peur qui l’anime et dont il souffre que les autres ne souffrent pas. Des inconscients. On va tous crever mais il est seul à bien sentir qu’il faut continuer à tenir la ligne, à la mener là où elle doit être menée, sans discours ni fanfare, trouver des raisons de le faire et les mettre en lignes, les unes à la suite des autres, pousser chaque élément de chaque ligne dans l’espace qu’ils créent à mesure qu’on les guide jusqu’au point final, celui où l’on respire enfin.

Minuit vingt cinq secondes

Puisqu’à l’origine, la division du temps en seconde est calquée sur le battement du cœur, toute irrégularité est signe de danger et de crise. L’écriture du temps étant par nécessité irrégulière, on peut voir ce texte comme une forme très spéciale de maladie. Du moins à l’échelle du cœur. Du côté du texte, c’est le battement qui apparaît nocif.

Minuit vingt quatre secondes

Plus précis qu’une seconde, ce serait un instant. Un instant est malléable. Il prend la forme que l’on veut. Récit d’un instant portant sur les rapports de l’instant et de la seconde. Une seconde d’un instant ou un instant d’une seconde. La subdivision l’emporte sur l’unité. Dans chaque seconde, il y a une masse d’instants possibles et dans chaque instant, plusieurs secondes potentielles. Travailler la seconde dans l’instant et l’instant dans la seconde, c’est produire une illusion chronologique.

vendredi 1 mai 2009

Minuit vingt trois secondes

L’important parfois, c’est de pouvoir se justifier, d’avoir les moyens de le faire. Puisqu’une question est souvent une accusation sournoise, il faut pouvoir justifier de son Travail, le Travail par excellence, c’est-à-dire le mode de vie, votre vie choisie et assumée.
Que faites-vous dans la vie ? J’écris le temps d’une journée. Et par quel moyen ? J’utilise ce qui existe déjà, les secondes, minutes et heures qui divisent universellement ce temps. J’écris chacune en lettres, c’est une mise en lettres des nombres du temps. C’est leur nom après tout et derrière chaque nom, je me fends d’un texte court ou long qui se rapporte à l’écriture du temps, aux rapports multiples entre ces deux domaines de mon étroit périmètre de vie. Depuis que je m’y adonne et que la fin de la journée se présente là-bas, loin encore mais parfaitement visible pour moi, je me sens beaucoup mieux, réconcilié, disponible. Ça fout les boules les gens heureux, ça met les glandes au niveau des poumons et ça étouffe les faibles. Certes, cette image brusque et inattendue vient légèrement gâter ma justification. Donc je reprends. Indépendamment de moi, c’est le genre de Travail qu’il fallait exécuter au moins une fois. Concert unique et puis rideau. J’emménage dans mon Travail, j’y vis, tout est texte dans cette baraque changeante mais précise, au périmètre reconnaissable par tous. Et c’est un travail, je le redis, je suis un travailleur, un Travailleur !

Minuit vingt deux secondes

Qu’il faille toute une vie, peut-être, pour arriver au bout d’une seule journée d’écriture, c’est une preuve. Une preuve du temps relativement long nécessaire à l’écriture d’une portion relativement courte du temps. Mais l’unité minimale de répétition à l’échelle d’une existence étant la journée, laquelle est toujours divisée des mêmes vingt quatre heures, mille quatre cents quarante minutes, quatre vingt six mille quatre cents secondes, il aura suffi d’une seule journée pleinement écrite pour que toutes les autres le soient un peu aussi. Difficile consolation. On est bien avancé, on n’avance pas beaucoup. On avance comme on veut pourtant, une seconde courte, une autre longue, c’est une liberté après quoi il n’y a rien d’important.
Opalka.
A cette seconde, c’est à Roman Opalka qu’il faudrait penser. Il fallait bien choisir une seconde et la donner à celui qui, toute sa vie depuis une certaine date, a consacré son Travail au temps. Opalka, un jour de mille neuf cents soixante cinq, décide de ne plus peindre que la suite des nombres entiers naturels à partir de un. Il peint en blanc sur des toiles à fond noir auxquelles il ajoute, depuis mille neuf cents soixante dix, un pour cent de blanc. La toile s’éclaircit chaque année davantage mais les nombres restent blancs et bientôt, il y a la peinture des nombres blancs sur la toile blanche. Avant de replonger le pinceau dans le blanc, il va jusqu’à l’épuisement de la quantité de peinture sur les poils qu’il presse pour en obtenir les dernières traces. Après une inscription lisible, les nombres vont ainsi souvent vers la disparition. Au final, à la mort d'Opalka, il y aura un nombre, ou un demi, ou un quart de nombre, mais ce n’est pas important. Une mécanique est enclenchée qui transforme l’arrêt matériel en simple métaphore. Une inversion complète des codes de vie.
Il est minuit vingt deux secondes et à cette heure du texte, Opalka continue toujours de peindre.

Minuit vingt et une secondes

Un seconde d’hommage, c’est une seconde illustrée, une seconde figurative. Le temps parfait est le temps iconoclaste car toutes les images ont leur place et il n’en faut aucune sous peine de s’interdire les autres. Une seconde monadique, une monade de temps.

Minuit vingt secondes

L’observatoire, la nuit. L’action commencée tout à l’heure n’a pas avancée. L’hésitation porte sur le décor intérieur de ce court passage de temps. Et sur la masse des activités à y faire. Au loin, il y a la cité balnéaire de plaisirs. Bref appel du bruit. Le temps pour s’y rendre est très court, moins d’une heure de route, peut-être quarante minutes. Deux mille quatre cents secondes écrites de trajet en voiture, un véritable voyage, un road récit. Il faudrait prévoir des étapes, des arrêts, des bifurcations peut-être, des imprévus. Des rencontres qui font déserter. Un trou noir aussi. Le temps devient compliqué dans ce cas là. Si un trou noir surgit en pleine seconde de texte, quelle allure aura celle-ci ? Allongée, étendue, suspendue jusqu’à rendre sa lecture inhumaine ? Faut prendre le risque, on ne peut pas laisser comme ça les trous noirs au bord du récit, d’autant que la plupart des routes sont accidentées, elles sont catastrophiques, les pneus y crèvent et personne ne dit rien des cimetières de pneus morts. Bref. Il faudrait se décider, prendre la voiture ou la laisser au garage, observer le ciel ou se rendre en ville. On peut bien faire les deux en vingt quatre heures.

Minuit dix neuf secondes

Le commerce du temps passé à plusieurs.
Le plaisir est dangereux aujourd’hui, il existe des secondes fatales. Une seconde d’inattention, seconde alcoolisée et hop, un instant plus loin, au réveil après une longue nuit, l’angoisse démarre, un instant très long, suspendu, consacré à la représentation de cette seconde spéciale dont on se demande si elle partage le temps une fois pour toute. Il n’y a qu’une prise de sang, au retour d’un voyage, qui peut vous donner une réponse. Avant, après. Pendant, il n’y a rien eu de maladif. Une seconde de bonne santé partagée dans un lieu, une ville, un pays, une région, faits pour ce type de commerce.

mardi 28 avril 2009

Minuit dix huit secondes

Phrase courte. Phrase longue – d’autant plus longue qu’elle tenterait, par exemple, de décrire le jeu d’une fille avec un chewing-gum, la prise de la patte en main et son moulage en un long fil, une ligne presque transparente ramenée peu à peu dans la bouche ( ou bien ce serait la description du ratissage du sable par un préposé à cette action presque zen mais effectuée dans un environnement complètement profane, une plage ou un bac ou un terrain, un lieu public préparé lentement dès le matin par le passage progressif du râteau provoquant des traits à la limite de l’invisible ( ou bien ce serait encore autre chose, peu importe, n’importe quoi évoquant la longueur, la durée )). Phrase secondaire, quoiqu’il en soit, rapportée au cours habituelle des phrases, toutes tendues vers un but et liées afin de faire sens et de provoquer dans l’esprit du lecteur, un récit. Phrase en retrait comme le sont certaines secondes en pleine périodes d’actions, un bref moment d’absence, ce dont on se souvient mal en fin de journée ou simplement quelques secondes plus tard, ou plus loin.

dimanche 26 avril 2009

Minuit dix sept secondes

Faire court : c’est assez difficile quand on a peu de temps, quand le temps imparti est proche de zéro et qu’il ne dépasse pas l’unité minimale du décompte temporel : une seconde.

Minuit seize secondes

Il pourrait s’agir d’une fiction. N’importe quelle fiction condensée dans un jour. On pourrait prendre comme découpage de cette fiction les secondes de la journée. Chaque action, chaque pensée, chaque dialogue seraient décomposés à la seconde près. Et au sein de chaque seconde écrite, le moindre geste, mot, idée d’un ou plusieurs personnages, le moindre paysage deviendraient un événement descriptif. Il faudrait une prose transitionnelle. Plusieurs possibilités s’offriraient.
Soit on opte pour une langue répétitive, avec, à chaque seconde, une infime variation qui indique le mouvement en cours. Après quelques minutes, le texte initial serait totalement transformé exactement comme on peut passer d’une couleur à une autre progressivement par le dégradé de toutes les teintes intermédiaires.
Soit on opte pour une langue photographique, avec, à chaque seconde, un arrêt sur un fait de la fiction en cours. Puis on explore. On ne cherche pas à progresser mais à exposer l’ensemble des plans que l’immobilité révèle. On découvre la multiplicité des directions possibles dont la richesse abolit toute tentative de progresser. Chaque seconde de la fiction est alors déliée des secondes limitrophes. Le passage de l’une à l’autre est aussi brusque que le montage de plans contradictoires les uns à la suite des autres. C’est la confrontation des secondes entre elles qui produit un sens virtuel. C’est la « troisième » seconde, simulée et imaginaire, intercalée entre deux secondes d’écriture effective. Il n’est pas trop tard. La fiction est peut-être déjà commencée. Il doit s’agir d’un seul individu, un individu isolé quelque part. Sans doute dans un observatoire. Un observatoire d’un genre spécial. Un observatoire doté d’un télescope géant de dernière génération. Et aussi d’un dispositif informatique qui le relie à toutes les caméras en fonctionnement dans le monde. C’est une fiction, c’est donc un observatoire spécial. Il observe ce qui se passe sur terre et ce qui se passe loin d’elle. Mais il est confronté au temps. C’est le temps qui donne au lieu sa pertinence. Un lieu n’est jamais pareil d’une seconde à l’autre. Il suffit de prendre une série de photographies. Ou de filmer. Pour s’en apercevoir. Il observe donc le temps plus que les lieux. Il prend donc des notes au fur et à mesure, il inscrit progressivement ce qui lui semble important et, très vite, ce qui lui semble anecdotique et, plus vite encore, ce qui semble lui échapper, car quelque chose lui échappe, il ne maitrise plus, il ne maitrisera bientôt plus du toute le programme qu’il s’est fixé et qui part en couille, oui, manifestement, il part en couille, et son esprit dépassé lui préconise d’accepter et de trouver un subterfuge, partir en couille, c’est comme partir en voyage, la Couille est donc comme un pays lointain, c’est un pays.
Il se reprend à temps : l’observatoire est situé quelque part en Asie du Sud-Est, dans un endroit élevé et solitaire, mais assez proche d’une grande ville balnéaire de plaisirs, avec en face, un chapelet d’îles paradisiaques et relativement préservées. Après tout, on est dans une fiction, on est ici pour vivre une fois pour toute et définitivement, on est chez soi, bien enveloppé dans un faisceau de secondes scripturales, on ne va donc pas se gêner.

samedi 25 avril 2009

Minuit quinze secondes

Il y a des secondes de remplissage. On bourre comme on peut, histoire de continuer quand l’envie cesse. Par exemple, le premier niveau du remplissage consiste à jouer sur le sens d’un mot initial et d’en tirer, sans vergogne, une nouvelle seconde. Donc, si on bourre la présente seconde, elle grossit. On gave une seconde, on lui fait subir un débit. Obésité du texte d’un coup. Ce n’est plus l’élasticité du temps, l’incroyable souplesse élastique d’une seconde lissée avec soin qui s’impose, mais une lourdeur, un poids. La seconde coule loin dans les failles du temps ou du texte ou du temps textuel. Irrécupérable. En même temps, le poids peut-être source de rondeurs extrêmes, c’est excitant. Et puis, quels que soient la réussite ou l’échec d’une seconde, à cette période matinale du texte, minuit quinze secondes, il existe encore pas mal d’occasions de se rattraper.

lundi 20 avril 2009

Minuit quatorze secondes

L’écriture est confrontée au temps. C’est une course, à la fois sprint et marathon selon les portions du terrain quotidien où l’on se trouve. Tantôt la vitesse, tantôt la lenteur. On se sent tranquille dans ses lignes, l’une ajoutée à l’autre avec la régularité d’une foulée olympique et puis on est dépassé, il faut accélérer, rattraper ce qui ne se rattrape jamais, tout ce qui n’a pas été écrit au bon moment. A partir de combien de mots arrangés entre eux et ayant un minimum d’allure peut-on dormir en paix ? Il n’est que minuit quatorze secondes et il n’est pas question d’avoir sommeil avant la fin de cette journée.

Minuit treize secondes

Mourir un jour. A une seconde précise, quelque part dans la journée. Oui, mais avec la satisfaction d'avoir terminé, au moins une fois dans sa vie, un jour complet d'écriture, sans aucune seconde occultée ou négligée, toutes mises en lettre et développées, travaillées, maltraitées, honorées, peu importe.
Mais écrites. Donc immortalisées selon la convention de plus en plus fragilisée qu'écrire, c'est vaincre un peu du temps.
A l'instant exacte de sa mort, faire lire par ses proches la séquence correspondante. Et pour chaque mort, faire la même chose. Il n'y a, au fond, que quatre vingt six mille quatre cents possibilités temporelles d'écriture de mourir. C'est déjà pas mal.

Minuit douze secondes

Il faudrait faire le descriptif de toutes les secondes du temps réel, l’une après l’autre, avec, d’abord, la sensation de répétition, chacune d’elles, dans une portion courte de temps, ressemblant à la précédente et à la suivante. Puis, peu à peu pourtant, apparaissent de brèves variations, des transitions discrètes, cachées, progressives. Bientôt, les secondes éloignées de celles initiales se distinguent si bien qu’elles apparaissent disjointes, liées seulement par l’identité de mesure du temps qui leur donne une durée semblable.
Enregistrer pour chaque seconde les évolutions météorologiques, climatiques, géographiques.
Pour réaliser une telle entreprise, s’informer d’abord des lieux ou chaque seconde est vécue. Il faudrait donc ajouter au Féminin des nombres un projet connexe, toutes les coordonnées spatiales du globe terrestre. Donc, ou bien pour chaque seconde, décliner toutes les coordonnées possibles ; ou bien, pour chaque coordonnée, décliner toutes les secondes d’une journée. Par exemple : minuit douze secondes / 2°20E, 48°52N : noir, lumière successive de réverbère parisien, fatigue implicite, etc, etc. Ajouter aussi le mois pour préciser la saison et la présence de froid, de chaud, de vent, de calme. Afin de rester un brin réaliste et modeste dans cette entreprise, renoncer à appliquer le principe à toutes les coordonnées de l’Univers. Parfois, s’accorder néanmoins cette licence afin de ne pas oublier la science-fiction. Surtout, s’hydrater beaucoup avec des alcools forts.

Minuit onze secondes

Une seconde d’hésitation ressemble à s’y méprendre à une seconde d’écriture. L’hésitation implique un temps plus long qu’à l’accoutumé. Il y a là un principe d’élasticité variable, exactement comme un chewing-gum dont on tire la patte. Une seconde d’action s’oppose implicitement à cette seconde lente, hésitante, où se joue souvent une perte possible, un réflexe tardif alors qu’il eut fallut agir, passer à une autre seconde. Au lieu de quoi on assiste à une suspension, une seconde démesurément allongée. C’est l’écrit comme il se comporte sur l’écran au rythme des touches : retour, corrections, effacement, ajout, copie et collage. Et la lecture suit : retour, incompréhension, éclaircissement brusque, reprise. La patte texte, dans une seconde de texte, travaillée et retravaillée, expansée ou contractée, n’est pas une hésitation mais une action. L’inverse d’une seconde analphabète.

dimanche 19 avril 2009

Minuit dix secondes

L’ironie est partout dans le temps. L’ironie qu’à la fin du mois, il y ait moins de secondes dans le texte que de jours dans ce mois. L’ironie des secondes courtes, écourtées faute de paresse. L’ironie des secondes tronquées à cause de la nécessité de se nourrir, de se loger et de se vêtir. Combien de secondes d’écriture coûte une journée de travail ? Combien de secondes de Travail une seule journée vécue ailleurs qu’ici ? A combien se chiffre la perte en mots ? Il est minuit dix secondes et c’est l’heure de la fiction : démission générale de tous les travailleurs partout dans le monde. Oui, aujourd'hui, à l'instant précis de cette publication, le dix-neuf avril deux mille neuf, beaucoup de gens perdent leur emploi, mais ils ne le perdraient pas si partout, la démission avait lieu. La perte de travail n’aurait plus aucun sens. Dépérissement général. Violence. Loi des forts. Sexualité des faibles. Autorégulation. Dérive, nomadisme, bivouac sous la lune. Des fictions ? Sans enfant, non marié, ce serait un jeu pour un type dans mon genre. On sait qu’une société s’organise autrement quand une société disparaît. En attendant, il faut écrire et ne pas se gêner pour écrire des fictions.

Minuit neuf secondes

Impossible d’écrire le temps ailleurs que dans cet espace là. Impossible de publier une seconde ailleurs qu’ici. Les dates de publications d’abord. Echelle de temps comparés : l’année, le mois, le jour puis l’heure, la minute, la seconde. Voisinage des temps, vis-à-vis, opposition, contradiction, correspondance. L’heure de publication n’est pas l’heure publiée. Parfois, elle le sera sans doute. Vertiges dans le texte et autour du texte. Nombre de secondes publiées dans un jour, un mois, un an. Extension et rétraction du temps des publications comparées au temps publié. Etc, etc, etc. Minuit neuf secondes, le dix-neuf avril deux mille neuf, à seize heures heures cinquante et une minutes, cinquante secondes, si tout va bien.

Minuit huit secondes

Détournement des expressions de temps. Prendre le texte à l’heure, etc. Désolé, vous venez de louper le dernier texte, il faut attendre demain. Quel texte est-il svp ? Facilité d’expression liée à la fatigue. Ou à l’ennui, déjà. Ecrire le temps en toute lettre, c’est avoir le droit à l’ennui sans que s’ennuyer soit du temps perdu. Quelque part, un jour ailleurs que celui-ci, quelqu’un, n’importe qui - alors que l’aiguille ou la diode ou quoi que ce soit capable de signaler l’heure indiquera minuit huit - pourra consulter le texte et lire l’ennui mot à mot, l’ennui ludique des détournements de texte à des fins inutiles et abstraites – cette nuit là, à minuit huit exactement.

Minuit sept secondes

Chaque jour est divisé de la même façon. La seconde est l’unité de mesure la plus universellement partagée. C’est une unité métrique. Un système de versification. Partout dans le monde, on consulte des montres sans lire les heures. Il faut donc étudier chaque seconde et les classer selon son comportement : seconde brève, longue, accentuée, brisée, embrassée, enjambée, etc. Inutile de les subir, on peut provoquer la rime d’une seconde à l’autre. Le Travail, la chronographie, permet d’échapper aux travaux, au travail en minuscule, au capital travail qui détruit le temps, à l’agitation, au calme, à l’absence de sexe dans le temps. Une seconde se divise en syllabe dans le texte. Il y a soixante secondes dans une minute, la soixantaine devient donc l’unité séquentielle la plus conventionnelle de la métrique journalière. En essayant de vendre le concept à plusieurs universités appariées à la sociologie, à la philosophie, à la littérature ou aux arts plastiques, on m’a traité de fumiste et de paresseux. Exact, j’épelle chaque seconde le plus longuement possible, j'y creuse autant de lignes que je souhaite, grâce à quoi je ne travaille jamais. Matériellement, je n'en ai pas le temps.

Minuit six secondes

Plus les secondes s’ajoutent, plus elles se raccourcissent, du moins ce serait une possibilité, réduire le texte et parvenir ainsi à publier chaque jour assez de secondes pour finir ma journée encore jeune et vivre. Or, vivre en texte est le résultat de ce Travail et c’est jouissif. Toute la vie dans une journée, toute la journée dans une heure, l’heure dans une minute, la minute dans une seconde et dans la seconde, toute la vie. Et chaque jour après la fin de cette journée, pouvoir ouvrir le texte à n'importe quelle heure, minute, seconde et savoir qu'il y a du texte en face du temps et qu'il n'est pas perdu puisqu'il est écrit.
L’angoisse devient alors l’inverse : finir trop tôt et donc, mal finir.

Minuit cinq secondes

Le temps séparant une seconde d’une autre est relativement similaire à la durée d’une seconde. La durée séparant une seconde d’écriture d’une seconde écrite est conséquente de la vitesse selon laquelle on frappe le texte sur le clavier ( de sa longueur et surtout, de son élasticité, de sa capacité à continuer alors que, selon toute logique ou vraisemblance – ce lexique apparié à la synonymie du vrai, du véritable, bien que relativement suranné, usé et vieilli, possède dans le cas précisément de vraisemblance, quelque chose d’encore vivant et pourrait-on dire de mouillé, c’est un mot humide, dont le sens fuit les digues de sa définition stricte, il va ailleurs, il voyage, la vérité devient friable, sablonneuse, elle glisse dans les doigts, il faut se pencher pour compter les grains, s’assurer qu’il n’en manque pas sans quoi la vérité serait incomplète et donc fausse, il n’y a pas de vérité partielle, mais la vraisemblance fuit, elle s’égare -, il aurait du ( le texte ) s’arrêter plus tôt, mais non, la phrase a continué, elle continue, elle s’est ouverte des parenthèses, elle se poursuit, exactement comme par exemple, on continue parfois de marcher alors qu’il aurait fallu s’arrêter et que le cœur, le battement cardiaque s’accèlère – l’origine, pour mémoire, de l’unité minimale de mesure du temps, la seconde – , même si un chronomètre d’un coup stipule : « stop », STOP, et bien non, dans une seconde écrite, il dure, le temps, la phrase, elle ne s’arrête pas comme ça, il faut qu’un lecteur gueule pour qu’elle finisse par se taire et la fermer – la parenthèse ).
Ce serait presque du temps perdu, heureusement, il est écrit.

Minuit quatre secondes

Combien de temps dure une seconde écrite ? Le temps de lecture du texte correspondant.
Variable en fonction du temps que l’on dispose pour l’écrire. Ce n’est pas un cercle mais une spirale. L’écriture du temps fabrique une mécanique d’engendrement spontané de texte. Quoiqu’il se passe ou ne se passe pas, il faut écrire et dans l’écriture du temps, il y a toujours la possibilité de mettre un nom au nombre, de mettre les nombres du temps en lettre, une mise en lettre comme d’autres les mettent en scène dans les calculs. Il est minuit quatre secondes.
Horloge textuelle.

Minuit trois secondes

Exercice.
Comment expliquer son Travail à quelqu’un vous demandant ce que vous faites dans la vie ? La vie étant une suite d’années divisées en jours – on ne tient pas compte des intermédiaires que sont les mois et les semaines - eux-mêmes divisés en heures, minutes, secondes, on pourrait trouver une réponse du genre : chronographe.
Et l’entreprise pour laquelle on travaille : la chronographie.
C’est une forme de journalisme appliqué à l’intimité. Chaque seconde décortiquée, personnalisée, ralentie, presque arrêtée à la limite de la mort textuelle qui, ici, devient une forme d’immortalité, le temps quotidien étant considérablement allongé, la plus artisanale et la plus sûre méthode pour s’approcher de l’infini.
Plutôt que de n’avoir pas le temps d’écrire, autant écrire le temps.

Minuit deux secondes

Problème.
Combien puis-je écrire de seconde en une journée ? Combien faut-il que j’en écrive pour arriver au bout de ma journée d’écriture et me mettre à baiser, sortir ou simplement me coucher sans me sentir coupable de n’avoir pas assez écrit ?
Sachant qu’il y a quatre vingt six mille quatre cents secondes de texte, en publiant une seconde de texte par jour, il me faudrait deux cents trente six ans et deux cents soixante jours pour écrire une journée de texte complète. En publiant dix secondes par jour, il me faudra vingt-trois ans et deux cents quarante cinq jours pour terminer mes vingt quatre heures de texte. C’est un travail considérable, le Travail par excellence dans le domaine étroit de mes compétences.
Grâce au féminin des nombres, j’ai rencontré le Travail pour lequel je suis fait.
Mes proches peuvent être rassurés, j’ai du boulot pour toute la vie.