samedi 9 mai 2009

Minuit quarante secondes

La seconde est précieuse car elle est une forme de goutte d’un liquide très spécial, rare et compté, qui désaltère et n’étanche pas la soif, un liquide divisible en unités plus ou moins semblables, qui, une fois tombées, éclatent selon un périmètre d’impact extrêmement diffus. Si l’énoncé d’une seconde, sa mise en lettre constitue la goutte, le texte lui, correspond à son explosion au sol, à sa multiplication lisse, en deux dimensions, sur le sol de l’écran ou du papier. La fin d’une goutte : le début du texte, l’indéfini du récit dans la division d’une seconde en phrases plus ou moins liées, renversées l’une contre l’autre et collées.

Minuit trente neuf secondes

Une seconde en toute lettre est un vers, un genre de vers dont la mobilisation en séquence est variable, soit « figurative » car groupée en minute ou heure ou même journée, soit « abstraite » car groupée en quatrains de secondes, ou dizains, ou sextines, sonnets, ou odes, ou même en groupes inédits de secondes, tantôt dix, tantôt cinq, tantôt une, et puis reprise - par exemple. Un recueil peut être aussi une minute ou une heure. Une journée peut être une anthologie de recueil ou un recueil de recueil. Les proportions d’un recueil ou d’une séquence peuvent varier selon la masse textuelle impliquée : une minute peut-être plus longue en nombre de signes qu’une heure, etc.
Chaque mise en lettre de seconde est donc un vers qui introduit un bloc de texte variable et ce texte est un récit.
Ainsi, chaque vers serait donc le titre d’un récit possible.
Et la table des matières d’une prose, un poème.
En un seul objet d’écriture - une journée écrite - on aurait à la fois la prose et le poème liés structurellement selon les codes habituels de la division du texte.
Se dire ainsi qu’à chaque seconde de la journée, on dispose d’un vers à porté de soi, et qu’après le vers, on dispose d’un récit, que rien n’échappe au texte, que toute journée répétant les mêmes quatre vingt six mille quatre cents secondes, il suffit d’avoir pleinement vécu une journée complète d’écriture pour les avoir toutes vécues de cette manière. Toutes les journées de sa propre vie, mais aussi les journées de toutes les autres vies et toutes les journées terrestres possibles et imaginables du passé, du présent et du futur. Et qu’ainsi, l’immortalité, c’est la métrique. La répétition écrite, inscrite, vécue.

Minuit trente huit secondes

Egalement distante et accessible, la seconde laisse une place courte au doute et oblige de faire un choix rapide pour sa capture. D’abord, il arrive parfois qu’une journée ordinaire – ordinaire pour ne pas dire réelle - passe plus vite que l’écriture d’une seconde. Il faut donc faire vite, aller vite à la seconde, s’en saisir et la mettre en texte, l’enfermer là pour l’ouvrir mieux, la disséquer pour s’en nourrir. Ensuite, une seconde n’est pas seule, d’autres attendent devant et à cette heure très matinale, à cet instant, le choix paralyse ou euphorise. Il ne favorise pas le plan, la carte à parcourir que l’on s’est donné comme but - il y a quelques dizaines de secondes déjà.

vendredi 8 mai 2009

Minuit trente sept secondes

Le temps passe, le temps qui passe est un temps combattant, il combat pour passer, il passe en abattant, il ne s’abat jamais, il ne passe jamais sur lui-même, le temps passe pour les autres que lui, les autres ne passent jamais sur le temps, le temps passe sur les autres abattus, les abattus sont passés par le temps, le temps passe en passant sur ceux qu’il abat par le temps, le temps passe.

Minuit trente six secondes

La seconde suivante est la seconde qui suit la seconde présente qui suit la seconde précédente, ou la seconde suivante est suivie de la seconde qui la suit dans la suite des secondes qui se suivent, ou la seconde suit la seconde qui l’antécède, et la seconde est suivie de la seconde qui la précède, et la suite des secondes est une suite de secondes se suivant et se précédant sans se doubler, une seconde doublant une autre seconde sur la ligne de circulation des secondes serait une seconde dangereuse, une seconde dangereuse serait une seconde doublant l’ordre des secondes inscrites l’une après l’autre selon la suite logique des secondes de la journée de minuit une seconde à minuit, en passant par une heure une seconde ou dix huit heure dix huit minutes dix huit secondes, une seconde doublant une seconde qui la suit immédiatement serait une seconde substituant l’identité d’une seconde, une seconde factice, chaotique, masquée, une seconde doublant plusieurs des secondes qui la suivent directement est une seconde accidentelle, provoquant un accident sur la ligne de circulation des secondes inscrites, un accident est un arrêt dans la suite des secondes en circulation impliquant la perte possible de secondes et l’hospitalisation du temps, sa convalescence, l’indisponibilité de certaines secondes après lesquelles les secondes suivantes ne peuvent se suivre sans se perdre. Un arrêt de travail pour le Travail d’inscription des secondes qui se suivent.

Minuit trente cinq secondes

Tandis que l’on s’éloigne et tandis que l’on se rapproche, tandis que l’on s’éloigne du début, que l’on s’approche de la fin, que l’on s’approche du début, que l’on s’éloigne du milieu, que l’on s’approche du milieu, que l’on s’éloigne de la fin, que l’on s’approche du début du début, que l’on s’éloigne de la fin en se rapprochant du début, que l’on s’approche du milieu en s’éloignant du début en s’approchant de la fin, que l’on s’éloigne de la fin en s’approchant du milieu, que l’on s’approche de ce qu’on s’éloigne, le début, la fin, le milieu, le début du milieu, le milieu de la fin, la fin du début, tandis que l’on s’approche de la fin, la seconde n’avance plus, la seconde n’avance plus vers la fin du début, la seconde débute chaque fois par l’éloignement du début, ou la fin du rapprochement de la fin, et l’avance n’avance pas vers la fin du rapprochement du début de l’éloignement de la fin, et le début s’éloigne du rapprochement de la seconde la fin du début, et l’avance ne débute plus par le début du rapprochement de la fin du début avant le milieu du milieu et la fin de la fin, et la seconde avance vers la seconde finale, tandis que l’on s’approche de la seconde suivante.

Minuit trente quatre secondes

Tandis que l’on s’éloigne, tandis que l’on s’éloigne du début, un début imperceptible car très court, très proche de la fin, très rapproché du milieu et du milieu du début de la fin, ou de la fin du début de la fin, ou de la fin du début du milieu, ou du milieu de la fin du début, ou du début du milieu du début de la fin, ou du début du début du milieu de la fin du début du milieu, ou de la fin du milieu du début de la fin, ou du début de la fin du milieu de la fin du début, ou du milieu de la fin du début de la fin du milieu, ou de la fin de la fin de la fin du début du milieu de la fin, ou du début du milieu du milieu de la fin du début du milieu du début, ou du début de la fin de la fin du milieu du début du milieu de la fin de la fin du début, ou du milieu du milieu du début du milieu de la fin du milieu du début du milieu du milieu, ou du début de la fin du début du milieu de la fin du début de la fin du milieu du début de la fin du début, ou du début du début de la fin du milieu, ou du milieu du début de la fin ou du début, ou du début du début, ou du début du début du milieu du début, ou du début du début du milieu du début de la fin du début, ou du début du début du milieu du début du début du milieu de la fin du début, ou du début du début du milieu du début du milieu de la fin du début du début, ou du début de la fin du milieu du début, ou du milieu du début du début, ou du milieu du milieu, ou du début de la fin du milieu, ou du milieu du début de la fin du milieu, ou de la fin du milieu du début de la fin du milieu, ou du début de la fin du début de la fin du milieu, ou du milieu de la fin du début de la fin du milieu, ou de la fin du milieu du début de la fin du milieu, ou du début de la fin du début de la fin du milieu, ou du milieu de la fin du début de la fin du milieu, ou de la fin de la fin du début de la fin du milieu, ou du début du milieu de la fin du milieu, ou du milieu du milieu de la fin du milieu, ou de la fin du milieu de la fin du milieu, ou du début de la fin de la fin du milieu, ou du milieu de la fin de la fin du milieu, ou de la fin de la fin de la fin du milieu, ou du milieu, ou du début du début de la fin, ou du début du milieu de la fin, ou du début de la fin de la fin, ou du milieu du début de la fin, ou de fin du début de la fin, ou du milieu de la fin ou de la fin – tandis, donc, que l’on s’éloigne du début et se rapproche de la fin, on ne sait plus très bien pourquoi, quelles sont les raisons de cet éloignement et de ce rapprochement.

dimanche 3 mai 2009

Minuit trente trois secondes

Si chaque seconde est une planète, l’espace qui sépare les secondes est une affaire de temps. Combien faut-il de temps pour se rendre d’une seconde à une autre ? Dans un temps ordinaire, il y a une équivalence : une seconde dite est égale à une seconde tue. Il devrait y avoir, dans une journée d’écriture, un texte silencieux, virtuel, qui sépare deux secondes textuelles. Rien n’empêche donc, entre deux secondes ici, d’écrire ailleurs pour combler les vides.

Minuit trente deux secondes

Seconde archéologique. Déjà, l’envie de retourner voir la première seconde, de fouiller le passé, d’y trouver les ruines d’un temps qui n’a pas abouti aux rêves qu’il s’était donné. Il est encore possible de tout changer, de suivre un schéma homogène. Monter une expédition, mettre en place un campement pour les fouilles, comprendre pourquoi les bifurcations se sont multipliées. Etablir, pour chaque seconde, un damier, une division en cases de recherche. Une seconde pixellisée.

Minuit trente et une secondes

L’écriture de toutes les secondes est une forme de science-fiction du quotidien, une journée science fictionnelle, intimiste et technique. Le futur est là, immédiat car l’angoisse de ne pas y arriver l’emporte par instant sur l’instant. Seconde présente consacrée aux secondes futures, que l’on tente de prévoir afin de disposer d'un stock d’écriture chronographique en cas de panne dans le long voyage vers minuit, l’ultime seconde, la dernière étape de la journée, planète du dernier vol.
Chaque seconde est une planète ou un astre ou un phénomène spatial. Dans le système du Féminin des nombres, les lois d’attraction, de gravitation et de mécanique sont hypothétiques. A mesure que l’on se rend d’une seconde à l’autre, les théories changent et donc les moyens d’aller de l’une à l’autre aussi.
Seconde habitée, inhabitable, désertée, en cours de formation.
Seconde possible - inqualifiable.

Minuit trente secondes

Qu’il existe une foule d’expositions possibles d’une journée complète n’interdit pas qu’on puisse les énoncer, une par une, jusqu’à la dernière seconde, minuit. Chaque seconde serait alors le concept, la partition et la description de la mise en espace d’un jour écrit. Chaque partie énonce le tout. Une seconde est le concept d’une journée spatialisée, seconde plus longue à l’intérieur qu’elle n’est à l’extérieur, quand, brièvement, on la compte sans s’y arrêter.
Proposition : une seconde par coordonnée géographique. Reste à déterminer le nombre de coordonnées possibles. Trois possibilités : soit le nombre de coordonnées et de secondes correspondent et le problème est résolu. Soit il y a plus de coordonnées que de secondes et donc l’espace terrestre dure plus d’une journée exposée. Soit il y a plus de secondes que de coordonnées et il faut plus d’une planète terre pour une journée terrestre.

Minuit vingt neuf secondes

Utiliser l’architecture du lieu pour inscrire les secondes, soit en les identifiant avec la totalité de l’espace choisi, par exemple, une marche d’escalier = une seconde. Soit en les groupant selon des séquences aléatoires ou non : une minute par mur, etc. L’organisation des séquences n’est pas précisée.
Certaines propositions sont des partitions. L’exécutant est libre d’effectuer l’inscription à sa guise en respectant les postulats de départ. Ces postulats n’indiquent pas tout. Tout ce qui n’est pas précisé est donc l’occasion d’une interprétation potentielle : choix des couleurs, graphie, corps des caractères, organisation des séquences.
Temps libre, donc.

Minuit vingt huit secondes

Une seconde par mur. Quatre vingt six mille quatre cents murs prévus dans une architecture chronologique, bâtie pour l’occasion. Murs équivalents au début, puis des décalages se font, des irrégularités, des dissymétries dans le périmètre des uns et des autres. Retour à la fin aux dimensions initiales. Comment gérer les sols et les plafonds dans cette affaire ?
Projet totalitaire, sans aucun doute.

Minuit vingt sept secondes

La spatialisation du temps.
Exposition d’une journée complète. Toutes les secondes inscrites l’une après l’autre sur un seul plan. Toutes écrites sur un mur ou plusieurs. Le choix de plusieurs murs a des implications. Nombre de secondes par mur ? Un mur = une heure ? Donc vingt quatre murs. Ou bien choisir une progression. Un mur = une demi-journée, douze heures, un alexandrin horaire. Puis six heures, puis une, une demi. A la fin, un mur = une seconde.
Il existe une multitude de proposition d’exposition.
A cette seconde, la proposition consiste à inscrire toutes les secondes dans une pièce circulaire disposant d’une seule ouverture qui sert d’entrée et de sortie. L’inscription couvre la totalité de la surface murale, elle ne laisse aucun espace vide, les secondes se suivent de haut en bas et débutent à mi porte en partant de la hauteur, se poursuit de gauche à droite et descend jusqu’au sol une fois la boucle effectuée. Ecriture noire sur fond blanc, à l’encre de chine à partir d’un rapporteur.