jeudi 4 juin 2009

Minuit une minute trente secondes

A mesure que l’énonciation gagne, l’espace s’organise, ou doit s’organiser, il prend un sens, il s’étend, ses dimensions s’élargissent, les lignes poussent et descendent, les signes se comportent en envahisseurs, en maladie de peau, ils sont presque le signe d’une maladie affectant la surface, d’un recouvrement méticuleux d’une couche par une couche nouvelle, elle-même suivie d’une autre, puis d’une autre, puis d’une autre encore, aboutissant à un genre d’impasse verticale, une aporie géologique, comme sont les livres d’une certaine épaisseur.

samedi 30 mai 2009

Minuit une minute vingt neuf secondes

On consulte l’heure, on consulte le texte, on calcule le temps de pagination ou du déroulé du menu pour que le temps du texte coïncide avec le temps de consultation, puis on consulte le texte à l’heure exacte de sa consultation.

Minuit une minute vingt huit secondes

Une seconde est une partie d’une minute, qui est une partie d’une heure, qui est une partie du jour, qui est une partie d’une semaine, qui est une partie d’une année, qui est une partie d’un siècle, qui est une partie d’un millénaire, mais un millénaire peut être une partie d’une seconde quand un texte titré seconde contient les dates comprises de un à mille et, dans un de ce millier, dans cette unité d’un millième, les dates comprises entre un et trois cents soixante cinq, et, dans un de trois cents soixante cinq, les repères compris entre un et vingt quatre et dans un de vingt quatre, les points compris entre un et soixante et dans un de soixante, les points compris entre un et soixante à nouveau, et dans cette unité qui pourrait être la dernière, toutes les divisions sont encore possibles et donc, une année peut être la partie d’un jour, un jour la partie d’une seconde, une heure la partie d’une minute, c’est une procédure connue, datée, la partie du tout, le tout dans la partie, et il est certain qu’à l’écrire, on possède un temps d’avance et peut-être aussi un certain vertige, un genre de nausée.

Minuit une minute vingt sept secondes

Le présent - le temps du présent, la présence - constitue, en partie, une sorte d’horizon, un paysage de l’écriture, une écriture vécue au même instant qu’elle est lue, un paysage parcouru, poursuivi vers l’horizon, puis franchi jusqu’à la prochaine ligne. Le passé, le passé du temps, le futur, le temps futur, sont des déséquilibres, avec, immédiatement, un présent simulé, virtuel, de quel présent parle-t-on d’hier, de demain ? Là, dans l’étroit des lignes, l’équilibre se maintient toujours, la symétrie visuelle de l’alignement, du passage, de la transition d’une ligne à l’autre, d’une seconde vers une autre, sans raison, pour une fois.

Minuit une minute vingt six secondes

Blocs – de textes – blocs collés à blocage, blocus – comment, dès lors, ne pas se sentir bloqué à l’instant – l’instant, les suites d’instants mis en blocs -, à l’instant de s’y mettre – aux blocs, aux opérations dans les blocs, à l’imprévisible des blocs dans le texte opéré ?

Minuit une minute vingt cinq secondes

Arrivé au bout, le passage à la ligne est automatique en prose, quand l’espace horizontale d’inscription est atteint, quand il n’y a plus de place et que la ligne saute, descend, les lignes descendent toujours d’une ligne à l’autre dans toutes les langues, du moins sans doute, sans doute mais pas sans aucun doute, il faut toujours mettre du doute au moment d’affirmer, c’est une règle, ou c’est un tic, un automatisme, ou une lâcheté, donc pas sans aucun doute mais avec un doute minimum, les lignes s’étagent ou bien les caractères descendent, c’est inévitable et toute fiction devrait en tenir compte, toutes les histoires devraient montrer des chutes, un personnage en train de tomber en hommage à la prose descendante, un être défenestré qui, à la vue des reflets de la vitre brisée entourant sa chute, les rapproche des bribes de sa propre existence qui lui viennent en masse et qu’il recombine en multiples vies croisées et multipliées. Le tout en une seule phrase avec une deuxième pour le signaler.

Minuit une minute vingt quatre secondes

Le texte raconte l’histoire d’une planète et des espèces qui y sévissent. Chapitres de formations géologiques, climatiques, biologiques. Linéarité narrative. Evolutions du vivant d’une forme à l’autre. Puis arrivée d’un genre que, par souci de lisibilité, on appellera métaphoriquement humain. Le genre humain est à la fois dans le texte un genre soumis aux règles du vivant et un genre stylistique. Evolution du texte dans le texte. Puis l’humain progresse, invente et domine. Puis il trouve le moyen de voyager dans le temps. Dès lors, les chapitres de cette partie du livre voyagent dans le passé, le passé du texte, on se retrouve au chapitre un - citation, reprise, répétition, variation, correction, mélange des temps, fin de la linéarité. A la fin, on découvre que l’auteur du livre est l’un de ces voyageurs du temps.

mercredi 27 mai 2009

Minuit une minute vingt trois secondes

La faute à qui ? A l’orthographe, bien entendu. Toujours, elle poursuit ceux qui s’en servent pour les trahir au pire moment, à la seconde fatale : celle de l’écriture. Elle se venge, mais de quoi ? De qui ? Quel mal à s’en servir mal, même à oublier certaines de ses zones les plus sensibles, les exceptions, les règles d’accord, les dédoublements de lettre. Cette schizophrénie du mot « lettre », justement, à l’endroit du t, à moins qu’il s’agisse d’une symétrie architecturale – on pourrait bâtir une façade qui mime lettre, en toute pierre ou en tout verre - - dédoublements encore - - alors que « justement », lui ne se dédouble jamais – à peine commet-il la faute d’une répétition du t, au milieu du mot et à la fin, mais c’est élégant, comme proche d’un nombre d’or de la combinaison alphabétique. D’une manière ou d’une autre, l’orthographe fait défaut justement là où elle devrait se faire vigile, aguets, veille, en trahissant la main au moment de la frappe, neutralisant le clavier, ralentissant la lecture. Il manque des touches, d’un coup, c’est un abyme au milieu des doigts pluvieux.
Utilisant, pour signaler son mésemploi, des tiers, possédés d’elle – l’orthographe - comme autrefois le prétendu diable possédait une innocente. Ou des amis. Mais non, c’est un anachronisme : il y a trop de fautes dans les langues parlées ou écrites ou mortes-écrites pour se plaindre qu’on les corrige. Une légende court le réseau : un individu, ou un collectif d’individus – mais il est plus inquiétant d’imaginer qu’il est seul – affublé du pseudonyme Le Correcteur, interviendrait de manière opportune – la nuit très souvent, à ces heures de nuit qui font toujours mystères, malgré le noir des villes colorées de néons, de réverbères, de phares – sur les forums et les blogs, citant quantités d’interventions pour les nettoyer de leurs coquilles, se présentant toujours sous cette forme : « Je suis le Correcteur. Je n’interviens jamais à titre participatif mais correctif. Il est inutile de me répondre ou de chercher à me joindre en message privé. » . Et toujours renaissant avec ça, échappant à tous les protocoles de bannissement. Nombreux sont ainsi les forums « trollés » par cet être hybride, moitié humain, moitié programme.
Dans la recherche permanente et graphomane de parvenir au bout de ce Féminin des nombres, je ne résiste pas à l’idée que puissent exister, parallèles et satellites, des secondes bis, citées en commentaire, corrigées, comme une seconde chance, une manière de revenir sur le temps qui, dans la vie réelle - dans le sens très ordinaire de « réalité » pour qualifier la vie, c’est-à-dire la vie amputée de presque tout – ne revient jamais, sinon pour le pire – le meilleur, dit-on encore, est à venir.

mardi 26 mai 2009

Minuit une minute vingt et une secondes

A mesure que l’on avance, le retard s’accumule, l’espérance de vie et de texte deviennent une blague et l’on compte le temps à l’envers – pourquoi n’avoir pas couché plus tôt ici, ce que l’on a si mal couché ailleurs – l’expression « coucher sur le papier », d’une certaine manière, constitue un horizon indépassable de la métaphore ? C’est un programme à rebours, une uchronie égoïste, individuelle, qui ne change rien au temps collectif, mais tout du temps personnel. On consacre son présent à son passé conditionnel. On révise et on calcule son passé. Il se peut que ce soit en fait une activité partagée par le plus grand nombre mais dans le secret du monologue intérieur que l’on promène avec soi tout au long des vingt quatre heures d’une activité cérébrale standard et qui n’émerge souvent que subrepticement au coin des lèvres en pleine rue, dans un parlé seul qui effraie plus qu’il ne provoque une sensation d’appartenance.
Il aurait fallu ceci plutôt que cela. Je serais déjà arrivé à telle heure si j’étais parti plus tôt. On écrit une horloge dans l’autre sens, on fait du texte une lente remontée vers ce qui aurait du et n’a pas pu. Chaque seconde devient alors une chute, un rebus du passé, le rattrapage des minutes et des heures inemployées. On élargit par le texte le vécu rachitique, amaigri. C’est aussi, après tout, une manière d’avancer et de passer le temps au crible de l’inscription systématique.

Minuit une minute vingt deux secondes

Comme elles sont, les bulles, on les voit contenir de l’air, et n’être séparées de l’extérieur que d’une fine couche transparente parfois teintée de couleurs. Crevées, elles disparaissent, aussi vite qu’un texte effacé après sa sélection. Il faudrait disposer d’une méthode semblable, d’un outil pareil, produisant en masse des blocs automatiquement intelligibles, sensés, sonores, jouant sur tous les tableaux possibles du texte, expulsés d’un coup, dérivants quelques temps dans l’espace d’un écran paginal de dimensions sans fins particulières, et puis s’évanouissant d’un coup, éclatants, aussitôt remplacés par d’autres. D’une autre manière, chaque bloc dans sa ressemblance aux bulles, disposerait d’une membrane traversée par la lecture, il serait possible de la lire elle, mais aussi d’y lire derrière, dans une superposition de textes, un montage. La durée dans l’espace de flottaison des blocs seraient variables, mais jamais très longue. Chaque bulle, chaque bloc s’arrêterait vite avant de reprendre vite.

lundi 25 mai 2009

Minuit une minute vingt secondes

Ce qui, dès le début est connu, c’est le nombre des parties. Ce qui ne l’est pas, c’est la durée des parties, leur longueur. Une part est prévisible, une autre ne l’est pas. Leur contenu l’est mieux. Il s’agit d’écriture, des conditions temporels de l’écriture et d’écriture du temps, temps très vite perçu comme écriture de vie, signe de vie minimale, c’est-à-dire comptée, dénombrée. Ce temps mis en lettre, qui prend le temps des lettres – temps lent, parfois accéléré mais seulement à partir de la lenteur principale, la lenteur étant à l’écriture ce que le silence est à la musique -, devient dans l’écriture un temps interne à l’écriture elle-même, produite par son action. Mais parce que ce temps reprend les balises du temps ordinaires, les secondes, les minutes, les heures au complet, comme œuvres complètes du temps, une illusion narrative se produit qui déborde dans le temps réel, le temps de la lecture. Le temps écrit devient le temps principal, à partir duquel l’autre temps, le temps réel, s’agrège et trouve un sens – et des sons. On en vient à habiter l’écrit.

Minuit une minute dix neufs secondes

A mesure que l’on avance, on recule. On recule car on retire à chaque nouvelle seconde ce qui était possible avant la première. On avance par la fin qui est le vrai départ. Il faudrait ne jamais rien faire ni vivre de ce qui est écrit et conserver le concept seulement, le programme initial. Ne jamais avancer de peur d’écorcher la totalité possible, illimitée, parfaite, le Tout. Tout le reste - la fabrication du programme, le passage à l'acte, le remplissage des cases ébauchées - est littérature – mais précisément.

Minuit une minute dix huit secondes

Somme toute, toute somme faite des secondes possibles, il n’y a pas d’extérieur au jour. Sitôt que l’on en termine un, on en commence un autre. Il n’y a pas d’interstices où s’échapper. La durée qui partage un jour d’un autre appartient à l’un ou à l’autre, il n’est même pas frontière. La journée est fermée. Tout est identique d’un jour à l’autre dans l’arithmétique d’une journée. La régularité ne peut-être rompue qu’écrite. Une écriture qui ne mime rien, qui ne reproduit rien car alors, dans sa fidélité au réel du jour, il faudrait que soit établi un système métrique capable de traduire cette égalité des secondes entre elles, des minutes et des heures. Une écriture naturaliste du jour serait une écriture à réglage fixe, fixée dans la règle, une écriture écrite. Une écriture sans règle, ou de règles variables, brouillant la perception des règles en laissant néanmoins quelques indices de lois inventées pour l’occasion - l’instant, la seconde - serait la fin du jour fermé. Par cette écriture seulement – libre car de règles inconnues - le jour s’échapperait de lui-même, deviendrait autre chose, un monstre temporel, une durée tératologique. Mais même ainsi, l’extérieur n’existe pas. Même irrégulière, l’écriture d’un jour est toute entière fermée, chaque unité de temps divisée reflétée dans l’autre par la ressemblance qui les affecte. La seule sortie tient aux reflets, aux déformations possibles de ces renvois multiples. Alors seulement, certains jours paraissent longs et d’autres courts, et cet accordéon simule un temps autre, fictif quoique reconnaissable, déformé. C’est par la fiction que l’écriture du temps sort le temps de lui-même, le traine dehors, à l’extérieur jour et l’extérieur nuit.

Minuit une minute dix sept secondes

Le travail consiste quotidiennement à décrire un lieu unique, toujours le même, assez vaste pour mobiliser chaque journée l’écriture, assez limitée pour qu’il soit possible de le faire en un jour. Le lieu choisi, il vaut mieux y habiter. Il faut y consacrer quelques heures, choisir des heures dans chaque journée et les employer à la description du lieu. Il peut s'agir des heures que d’habitude, on consacre aux travaux profanes de la vie alimentaire. Il peut s'agir des heures de l'après-travail, des heures creuses, des heures de repos ou de sommeil. Et il faut chaque fois faire la description la plus complète du lieu. Ce même texte, repris chaque jour, chaque fois d’une parcelle différente du lieu extrait et choisi, ou du même endroit, serait la trame d’un journal situé, conçu comme un exercice à contrainte, et guère éloigné des pratiques de certaines castes militaires en Asie, où le tir à l’arc, le maniement du sabre, la reprise, à chaque nouvelle journée, d’un nombre assez vaste de gestes, mais assez dénombrable pour ne pas être impossible à refaire tous les jours, constitue le mode de vie supposé permettre l’atteinte de la perfection. Le lieu serait une élévation dans une nature profuse et riche en cours d’eau. Il faudrait que soit audible l’eau, un cours faible ou moyen avec un ou plusieurs bassins. Ceci afin de permettre des dispositifs de textes en flux, en désignation de l’écriture par le réseau aquatique, avec des surfaces où s’exercent des plans profonds, des structures en couches, en nappes jointes avec des creux, des grottes dans le texte, ce qui impliquerait des mises en page de blocs moins rectangulaires. De ce lieu, on y verrait aussi un bois profus ou l’amorce d’une forêt. Extrêmement dense, aux entrelacs variées, ceci afin de permettre un dispositif du texte en lianes, en racines rejointes mais jamais complètement confondus, des effets de croisements qui conservent néanmoins indépendantes les troncs d’origines. Avec une profusion de plantes, comme sont les pousses de textes hétérogènes dans une trame unie, mais pas unique. De l’élévation, après la forêt, on verrait une ville immense et son rideau de monuments, d’immeubles anciens et contemporains, de tours d’élévations diverses, et le quadrillage, le damage de la ville où chaque architecture est posée. Le jardin serait court, en gradation vers la forêt épaisse et riche. Une maison modeste, presque pauvre, à laquelle serait adossée une cabane, visiblement une ancienne remise transformée en atelier de travail. Des travaux pourraient être entrepris visant à moderniser ce lieu semi bucolique, ouvert sur la ville futuriste en contrebas. Les travaux viendraient bouleverser l’exercice quotidien de description, insérant la nouveauté dans la reprise.
Chaque jour, la description pourrait partir d’un point unique, à partir duquel s’exerceraient des parcours, soit réguliers - des cercles concentriques rejoignant la bordure frontière du lieu - soit irréguliers - des zigs-zags, des diagonales, des boucles. Soit, chaque jour, la description partirait d’un point mobile, changeant, jamais semblable à celui employé la veille.
Mais le lieu pourrait être un simple studio situé dans un immeuble grande hauteur avec juste assez de vue pour ne pas avoir à sortir et suffisant pour y travailler toute une vie sans subir la sensation de se répéter, ou que cette sensation soit désagréable.

samedi 23 mai 2009

Minuit une minute seize secondes

Dès le départ, il aurait fallu fixer un vocabulaire de base, une liste de termes communs à l’hétérogénéité apparente des textes. Il aurait fallu fixer des règles de composition. Elles ont été fixées, d’une certaine manière, elles le sont, chaque seconde fixe les conditions de possibilité d’elle-même comme texte, chaque texte fixant aussi une forme de vécu, un vécu scriptural, une réalité d’écriture.
Il n’est pas trop tard pour prévoir. Il est tôt, c’est la nuit. Il n’est pas trop tard pour planifier une politique du texte en quatre vingt six mille et quelques centaines de points à partir de ce point, à l’exception donc des soixante quinze points précédents. Ou ce point serait le point à partir duquel les points suivants seraient prévus, illustreraient un programme, une prévision, et les points précédents seraient justifiés, trouveraient une justification à leur hétérogénéité.
Il n’est pas trop tard, il n’est trop tard que face à la préméditation parfaite, au texte prémédité parfait, prévu, au texte réalisé conforme au texte prévu, à deux dimensions distinctes plaquées l’une sur l’autre en une surface unique, unie, parfaite.

Minuit une minute quinze secondes

Toute seconde pourrait être indifférenciée, inqualifiée, simple seconde dans une suite logique de seconde. Toute seconde pourrait être sans texte, ou indépendante du texte. Un texte pourrait être secondaire, à l’arrière plan d’une seconde en toute lettre. Sans corps, sans texte, la seconde n’apparaîtrait que comme elle-même, équivalente presque à celles de son entour. Ou bien il faudrait un même texte pour toutes les secondes, un texte unique, repris après chaque seconde, toujours. Ou bien un même texte tronçonné en quatre vingt six mille quatre cents parties. Ou bien chaque seconde pourrait être tronçonnée en quatre vingt six quatre cents parties, chaque seconde étant le miroir des autres ensemble, en totalité, chaque partie étant le récapitulatif de tout. Le texte semblable et répété pour chaque seconde devrait être toutes les secondes écrites d’une journée, toutes les secondes, l’une après l’autre, en une seconde, avec un simple indicatif graphique comme différence dans le texte, la mise en gras de la seconde en cours. Ou bien le texte serait le récapitulatif des secondes précédentes jusqu’à la seconde en cours. Minuit une seconde, minuit deux secondes, minuit trois secondes, minuit quatre secondes, minuit cinq secondes, minuit six secondes, minuit sept secondes, minuit huit secondes, minuit neuf secondes, minuit dix secondes, minuit onze secondes, minuit douze secondes, minuit treize secondes, minuit quatorze secondes, minuit quinze secondes, minuit seize secondes, minuit dix-sept secondes, minuit dix huit secondes, minuit dix neuf secondes, minuit vingt secondes, minuit vingt et une secondes, minuit vingt deux secondes, minuit vingt quatre secondes, minuit vingt cinq secondes, minuit vingt six secondes, minuit vingt sept secondes, minuit vingt huit secondes, minuit vingt neuf secondes, minuit trente secondes, minuit trente et une secondes, minuit trente deux secondes, minuit, trente trois secondes, minuit trente quatre secondes, minuit trente cinq secondes, minuit trente six secondes, minuit trente sept secondes, minuit trente huit secondes, minuit trente neuf secondes, minuit quarante secondes, minuit quarante et une secondes, minuit quarante deux secondes, minuit quarante trois secondes, minuit quarante quatre secondes, minuit quarante cinq secondes, minuit quarante six secondes, minuit quarante sept secondes, minuit quarante huit secondes, minuit quarante neuf secondes, minuit cinquante secondes, minuit cinquante et une secondes, minuit cinquante deux secondes, minuit cinquante trois secondes, minuit cinquante quatre secondes, minuit cinquante cinq secondes, minuit cinquante six secondes, minuit cinquante sept secondes, minuit cinquante huit secondes, minuit cinquante neuf secondes, minuit une minute, minuit une minute une seconde, minuit une minute deux secondes, minuit une minute trois secondes, minuit une minute quatre secondes, minuit une minute cinq secondes, minuit une minute six secondes, minuit une minute sept secondes, minuit une minute huit secondes, minuit une minute neuf secondes, minuit une minute dix secondes, minuit une minute onze secondes, minuit une minute douze secondes, minuit une minute treize secondes, minuit une minute quatorze secondes, minuit une minute quinze secondes,

Minuit une minute quatorze secondes

Les secondes sont inscrites sur un mur. Un seul mur. Elles sont inscrites l’une après l’autre. En partant du milieu de la hauteur du mur, elles se poursuivent vers la droite. Une fois l’extrémité droite du mur atteinte, elles repartent à la ligne, au milieu du mur. L’opération continue jusqu’à couvrir la partie droite du mur, après quoi elle reprend à gauche, à partir du haut jusqu’en bas. Le mur est couvert de haut en bas en deux pans séparés au centre par un espace vide, une reliure. Le corps d’écriture est établi en fonction de la surface du mur à écrire de manière à ce que les quatre vingt six mille quatre cents secondes couvrent complètement le mur, à l’exception de l’espace entre les deux pans, pages. L’espace entre chaque seconde est équivalent à l’espace d’écriture d’une seconde. L’espace d’écriture d’une seconde dépend du nombre de signes composant une seconde. Sachant que chaque seconde possède un nombre de signes variables, l’espace séparant chaque seconde est variable. L’espace séparant chaque seconde correspond à l’espace occupé par les signes de la seconde qui précède l’espace de séparation. La couleur du mur et de l’écriture ainsi que le style typographique sont laissés libres.

Minuit une minute treize secondes

Les secondes sont inscrites sur un mur. Un seul mur. Elles sont inscrites l’une après l’autre. En partant de la hauteur gauche du mur, elles se poursuivent vers la droite. Une fois l’extrémité droite du mur atteinte, elles repartent à la ligne, à gauche du mur. L’opération continue jusqu’à l’épuisement de toutes les secondes d’une journée, jusqu’en bas du mur. Le corps d’écriture est établi en fonction de la surface du mur à écrire de manière à ce que les quatre vingt six mille quatre cents secondes couvrent complètement le mur. L’espace entre chaque seconde est progressif. Le premier espace séparant la seconde une de la seconde deux est équivalent à l’espace standard séparant un mot d’un autre. Le deuxième espace séparant la seconde deux de la seconde trois est double de l’espace standard séparant un mot d’un autre. Le troisième est triple, le quatrième quadruple, l’opération se répète jusqu’à l’espace séparant l’avant dernière seconde de la dernière. La couleur du mur et de l’écriture ainsi que le style typographique sont laissés libres.

vendredi 22 mai 2009

Minuit une minute douze secondes

Les secondes sont inscrites sur un mur. Un seul mur. Elles sont inscrites l’une après l’autre. En partant de la hauteur gauche du mur, elles se poursuivent vers la droite. Une fois l’extrémité droite du mur atteinte, elles repartent à la ligne, à gauche du mur. L’opération continue jusqu’à l’épuisement de toutes les secondes d’une journée, jusqu’en bas du mur. Le corps d’écriture est établi en fonction de la surface du mur à écrire de manière à ce que les quatre vingt six mille quatre cents secondes couvrent complètement le mur. L’espace entre chaque seconde est équivalent à l’espace d’écriture d’une seconde. L’espace d’écriture d’une seconde dépend du nombre de signes composant une seconde. Sachant que chaque seconde possède un nombre de signes variables, l’espace séparant chaque seconde est variable. L’espace séparant chaque seconde correspond à l’espace occupé par les signes de la seconde qui précède l’espace de séparation. La couleur du mur et de l’écriture ainsi que le style typographique sont laissés libres.

Minuit une minute onze secondes

Le présent - l’écriture au présent, la mise au présent de l’ensemble des textes écrits dans un autre temps que le présent, l’écriture au présent seulement de tous les textes dans une vie complète d’écriture, l’obligation par une loi, de tous écrire au présent - constitue l’amorce d’une fiction possible de l’écriture en même temps qu’un projet de théoricien fou. Le présent est la langue de la théorie, de l’analyse. L’analyse est folle car elle est écrite au présent, quasi toujours, selon une règle de pensée implicite qui fixe l’activité cérébrale comme permanente. Il faut continuer à comprendre, quoiqu’il arrive, de n’importe quelle manière. L’analyse devient lyrique, elle combine les propositions initiales, elle étudie chaque combinaison, elle permute les éléments mobilisés, les isole puis les lie en une suite un, puis les délie pour les lier plus loin en une suite deux, puis les délie pour les lier en une suite trois, puis en une suite quatre, une cinq puis une six…L’analyse est impersonnelle, elle ne meurt jamais, l’analyseur n’est qu’un outil utilisé par l’analyse pour se répandre. L’analyse, c’est une figure de train en marche, un fleuve, un courant. Une fois dedans, on sait n’y être pour rien. On est innocent de l’analyse qu’on produit. Vraie ou fausse, l’analyse continue, elle s’abroge elle-même pour se fixer ailleurs. Le passé, le futur, c’est autre chose, c’est de la science-fiction et de l’archéologie, c’est la désunion, c’est une forme de plaisanterie, une lâcheté stylistique, un truc pour newbie du clavier. La machine à voyager dans le temps existe déjà : c’est la conjugaison. Il conjugua – il connut Messaline, lui fit l’amour, etc. Il conjuguera – il ira sur Mars, bâtira, regrettera les petites terriennes, etc. Le présent de l'analyse, l'affirmation du présent : la conjugaison est la machine à voyager dans le temps.

jeudi 21 mai 2009

Minuit une minute dix secondes

Un type voyage, parcourt le monde, s’arrête dans une région particulière, change, est marqué par cette région, change, revient, il a changé. Comment mesurer un tel changement ? Combien de secondes ? Et dans les secondes où il bascule, quelle seconde plus importante qu’une autre ? Combien de temps dure l’orgasme ?

Minuit une minute neuf secondes

Deux choses : l’abstraction et le sexe. Le reste est neutre, fade. Entre l’abstraction et le sexe, tous les intermédiaires possibles, les mélanges, les interversions, les gradations, quatre vingt six mille trois cents quatre vingt dix huit secondes entre minuit une seconde et minuit, l’abstraction et le sexe ou le sexe et l’abstraction.

Minuit une minute huit secondes

Plutôt saoul que seul implique une écriture spéciale, connue, avec des noms d’auteurs connus dans un genre de vie connue, rabâchée et usée, l’alcool les filles et les mots, les putes et les phrases, les verres, les clichés, le folklore et les vers, donc l’alcool au présent est une seconde de vieillesse, une seconde muséale dans le passé d’une littérature d’alcooliques écrivant sur l’alcool et les putes, écrivant sur l’alcool de l’écriture et les filles dans des pages qui restent ouvertes toutes la nuit. L’heure de fermetures des pages n’existe pas, la page est ouverte avec des arrières salles sombres la journée, imperméable au jour, à la lumière de la journée, des salles de musées livresques hyper connus, au sol ravagé par les touristes. Les touristes : les lecteurs d’aujourd’hui qui se moquent des statues qui continuent à vivre là et à boire et à fréquenter les putes alors qu’il est tard, il est très tard dans l’Histoire et les putes sont le passé, sont des passes droits vers le passé, les putes sont les victimes des auteurs pour les auteurs qui ne vont plus aux putes car les putes sont des victimes, c’est connu, on ne va pas aux putes comme on va à la bibliothèque, on va à la bibliothèque pour les putes anciennes, les putes sacrées des anciens auteurs sacrés, les putes des livres mais pas les vrais, pas aujourd’hui, c’est dégueulasse de faire ça, mais un auteur qui va aux putes à cette seconde n’est pas un auteur mais un client, un monstre, un ignoble, un glauque, un taré, un psycho, un ringard, c’est un ringard surtout, un paumé ringard, un passéiste, un auteur présent qui parle du passé et qui veut flamber dans les mots. Pauvre auteur, ses pages ouvertes à pas d’heure et les putes qui attendent leurs mots pour se savoir écrite, encore une fois. Il faut faire soigner le texte par la violence et la dénonciation des putes victimes et des clients bourreaux. Mais le texte continue, le texte à des lecteurs spéciaux, hors temps, hors civilisation, hors barbarie, hors tout, le texte est post-mortem, il vit, il est vivant dans les claques, dans chaque seconde des rues et des claques en bord de mer qui sent le sel – l’iode, l’algue, l’encre - et l’égout. Les quatre éléments de l’Art en bord de mer, du beachart en bord de claque : le sang, le sperme, la pisse, la merde. Les putes lisent, les clients lisent, les putes lisent dans les yeux des clients qui lisent dans les yeux des putes, les putes se lisent entre elles, les clients se lisent entre eux, l’auteur écrit ce qu’il lit dans les yeux des lectrices et des lecteurs, les putes attendent l’auteur, les clients attendent les lectrices, les yeux sont les clients des putes.

Minuit une minute sept secondes

Le réveil est brusque quand il est mortel. En pleine nuit, se mettre debout et regarder l’heure en sachant que l’on ne pas plus dormir avant le matin. Perturbation. Le réveil doit être lent. Réveil télescopique, où toutes les secondes sont passées en revue, comme disposées sur une carte, observable l’une après l’autre. Le texte s’est endormi. A cet instant, il dort. Plus d’activité sauf, hypothétique, les signes des paupières qui s’agitent à intervalle sans régularité temporelle fixe. Difficile d’y compter des secondes. Les paupières du texte. Le corps parfois se retourne. Présence du rêve. Le texte rêve. Mais inaccessible à ses observateurs. Activité secrète du texte, inconsciente, activité cervicale du texte vivant endormi. Là, un labyrinthe juste derrière un geste bref au milieu d’une respiration nocturne. De quoi le texte se souvient-il ? Quelles combinaisons tératologiques peuplent son sommeil ? Le texte s’est endormi et il n’offre plus l’action, la progression de son état de veille.

dimanche 17 mai 2009

Minuit une minute six secondes

L’action, c’est que quelque chose passe, pas seulement que quelque chose se passe. Le passage à l’acte, c’est en plus le passage de l’acte, ou l’acte en passant, ou le passant de l’acte – l’acte, comme un passant, surpris en cours de passage – ou l’action de passer sans acte, ou à travers les actes, ou entre, ou avec ; ou c’est encore l’action du passage dans l’acte de passer. Se retenir de penser de manière allemande et d’émettre : l’actant et l’acté ; ou le passant et le passé ; le passager – The passenger – et le passant ; au passage, d’ailleurs, au lieu de l’être et de l’étant, pourquoi ne pas tomber plus bas et risquer, l’étant et l’été ? L’être et l’été, traité, traité de bonne conduite saisonnière, d’art climatique. L’été, saison de l’étant et de l’être, la plus proche de la température du corps humain. Bref.
De l’acte au passage ou du passage à l’acte, il n’y a pas qu’un pas, il peut n’y avoir qu’un pas mais il peut y en avoir plusieurs, plusieurs syllabes muettes avant d’arriver à la syllabe active, la première syllabe d’un texte activé dans un passage de texte permanent, mais inactif, passant sans marque de son passage, débuté – peut-être n’y a-t-il pas eu de début - avant l’acte un – la première syllabe activée -, et terminé après l’acte final - l’action de la dernière syllabe -, et peut-être n’y a-t-il pas de fin, c’est certain, presque certain, une certitude. L’acte premier et l’acte dernier d’un texte activé et partout, autour, à travers, dedans, le texte passant, le passage du texte.

Minuit une minute cinq secondes

Même ici – surtout ici, à cet instant, dans ce lieu - on ne prend pas assez de temps. Il faudrait du temps, plus de prises dans le temps, c’est-à-dire plus d’espace de texte pour ne rien laisser passer, pour tout bien exposer, bien mettre en avant ce qui est en arrière d’habitude, tout combiner. Un arrêt sur image révèle des profondeurs de champs inaccessibles dans le mouvement. Un arrêt sur texte doit, devrait produire un étagement semblable, des lignes reprises, explorées, des zooms sur des probabilités de textes impliquées par le texte en arrêt. Il faudrait des mises en page. La mise en page, c’est de l’aventure, c’est évident. C’est du temps pris sur du mouvement. L’aventure, la forme d’une page, la page en forme, la mise.

Minuit une minute quatre secondes

Qu’il existe, pour chaque seconde, autant de modes de vie d’un texte – qui peuvent être l’écriture et la lecture d’un texte ou le passage d’un texte, le temps de passage d’un texte -- le temps passé à l’écrire et le lire --, qu’il existe des manières de vivre le texte et qu’il soit vivant, c’est difficile à concevoir quand le texte se donne d’un coup, sans processus, sans mobilité, sans flux d’une de ses parties vers une ou plusieurs des autres limitrophes ou éloignées le long du texte. Mettre des dates au texte est une métaphore. Il faut un cadre plus divisé, il faut plus de cases au texte, il lui faut un échiquier temporel. Une fois l’échiquier disposé, la partie commencée, il faut assumer les pièces du jeu, les textes internes aux cases. Il faut aller d’une case à l’autre, construire les cases, déplacer les textes, accepter les coups anciens, la passé arrive vite, il est vite arrivé, il faut assumer les cases passées. Les cases sont les mêmes, les pièces dans les cases changent - les textes changent, se changent, sont changeants. Les nouvelles pièces n’aiment pas les anciennes. Il faut continuer à jouer et avancer les pièces même si le joueur a vieilli. Mais qu’en une seconde – en une case - se repèrent une ou des manières de vivre dans l’écrit. Chaque seconde travaillée de telle manière qu’on puisse y vivre. La vie des cases.

Minuit une minute trois secondes

Pour être heureux, vivons écrits. Vivons dans l’écrit. L’écrit vivant, la vie dans l’écrit, l’être est heureux.

Minuit une minute deux secondes

Tout n’est pas divisible à l’infini, tout n’est pas infinitésimale. Dans une vie textuelle, après la lettre, il n’y a rien. Sauf à dire qu’une lettre est divisible à son tour en différents traits possibles selon la graphie adoptée. C’est possible, c’est une possibilité, c’est une possibilité de le dire et de le prouver mais il est difficile d’être suivi jusque là.

Minuit une minute une seconde

Quelle seconde est-il ? Quelle minute et quelle heure ? Sous quel angle demande-t-on d’un texte sa situation dans ses parties, sa partition ? Le texte change, la place du texte, la dimension du texte change si l’on considère la seconde seule, la seconde dans la minute et la seconde dans la minute dans l’heure. Il faudrait donc plusieurs textes pour chaque catégorie de seconde – pour chaque espèce plus exactement, une seconde textuelle étant une forme particulière de vie, ou de manière de vie, de donner vie à ce qui, sans texte, serait sans rebonds – car le texte rebondi, il est prétexte à rebonds, à désaccords, à prises de paroles, à ricoches, il est inducteur d’autres textes possibles. Quoi de commun entre la première seconde de minuit une minute, la première seconde de la minute une de minuit –qui est elle-même la seconde minute de minuit -, la soixante et unième seconde de minuit, la soixante et unième seconde de la journée complète ? Quoi de commun si la nomination change ? Il existe autant de manières de nommer une seule seconde que de situations d’une partie à l’égard d’un tout, et il existe autant de situations possibles que de possibilités nominales.
Minuit une minute une seconde. Une seconde d’une minute dans minuit. Seconde soixante et une dans minuit. Une seconde de minuit une minute. Une minute une seconde de minuit. Une seconde dans minuit. Première seconde de minuit une minute. Seconde une de minuit une minute. Seconde une de la seconde soixantaine de secondes de la deuxième minute de minuit. Seconde une de la deuxième minute d'une journée. Seconde soixante et une de l'heure une d'une journée. Seconde une, minute une passé de une seconde, minuit. Une seconde, minuit une minute. Seconde soixante et une de quatre vingt six mille quatre cents secondes. Etc.

jeudi 14 mai 2009

Minuit une minute

Ne pas inscrire sur les pierres tombales les dates de naissance et de mort, mais le nombre de signes écrits, le nombre de signes vécus par les individus, preuve d’écriture dans la vie.

Minuit cinquante neuf secondes

Douter du texte comme on met en doute l’horaire que l’on consulte – être en retard, en avance. Le doute, un genre de temps textuel, ou de texte temporel. Etre à l’heure dite au moment, à l’instant de sa diction. La diction d’une minute en une minute. Impossible – et déjà dit, plus bas, tout à l’heure, c’était il y a quelques secondes déjà, quelques milliers de signes.

Minuit cinquante huit secondes

La vie marchande de l’écrit-seconde, de l’ES, de l’écriture du temps, est une vie aléatoire, suspendue, dont le modèle économique, à cette heure encore matinale du texte, n’est pas encore au point, est encore expérimentale, en phase d’expérimentation – le tout en une seule phrase, il faut le signaler à l’attention du lecteur, du patronat qu’est la communauté des lecteurs, communauté patronale parfois superficielle, et qui traite mal son employé-auteur, en ne voyant pas, en lisant trop vite, ce qui, dans un écrit du temps, est une faute, une faute grave de patron qui dirige son entreprise de lecture.

Minuit cinquante sept secondes

Si le temps est un genre, dire genre T, et dire sous-genre st - pour sous-genre de temps dans le cas d'un temps interne au temps principal qui est T -, et dans sous-genre st, dire strc - pour sous-genre de temps rétro-chronologique - c’est une formalisation certes, mais c’est un signe en lui-même, c’est un idéogramme, un idéogramme à éléments latins dont la décomposition donne un concept, ou une expression, ou une phrase, selon la complexité choisie de l’idéogramme élaboré. Il existerait ainsi des règles d’idéogrammatisation du latin dont l’acronyme, l’exposant, la majuscule et la minuscule, le gras, l’italique et le souligné constituent des bases graphiques potentielles. Quel rapport au temps, à l’écriture du temps, au temps écrit ? Un acronyme est un genre de parataxe graphique, c’est une écriture à grande vitesse, une EGV, qui, appliquée à la seconde textuelle, permettrait d’écrire virtuellement plus de signes que ceux effectivement inscrits. Un genre de fuite en avant pour écrire de moins en moins tout en continuant de vivre d’écrits.

Minuit cinquante six secondes

Il peut exister un décompte linéaire – une histoire linéaire, une histoire racontée du début à la fin. Il peut y avoir, au sein d’un décompte linéaire, des brusques décalages, des ruptures chronologiques, des anticipations et des anachronies, des passages d’un temps dans un autre au sein d’un temps majoritairement orienté du début vers la fin. Il peut y avoir des décomptes anti-linéaires, désordonnés ou d’apparences désordonnés, organisés selon un autre rythme que la linéarité. Il peut y avoir aussi un décompte rétro-chronologique, de la fin vers le début. Il peut aussi y avoir des apparences de linéarité et d’anti-linéarité ou de rétro-chronologie. Partant ainsi de neuf, ou de trois, prononçant neuf ou trois jusqu’à un pour, à zéro, déclencher le départ, c’est une rétro-chronologie apparente, puisqu’en fait, l’objet du décompte, le départ, est linéaire. Concevoir dans le texte, un décompte de ce genre annonçant l’imminent passage d’une seconde à l’autre, ou d’un groupe de secondes à un autre groupe – d’une minute à l’autre ou d’une heure à l’autre – est une rétro-chronologie apparente, elle-même incluse dans une chronologie linéaire – la suite nommée des secondes dans l’ordre naturelle de leur apparition. Dans le grand genre du temps, le genre T, il y aurait de multiples sous-genres de temps, des genres st – genre strc, pour sous-genre rétro-chronologique, par exemple – dont l’emploi dans le texte du temps permettrait des amplifications de vie par l’écriture. Temps libres dans les règles du temps, dans la régulation du temps écrit.

Minuit cinquante cinq secondes

Le temps : le flux d’écriture ; le temps lui-même, le terme temps, les noms du temps quotidien – seconde, minute, heure -, inscrit dans le flux d’écriture, comme une simple portion du temps textuel. Le temps lui-même inscrit dans le temps du texte en une seule seconde de texte – une seule seconde récapitulant tous les noms du temps dans son texte.

Minuit cinquante quatre secondes

Que chaque seconde écrite soit une proposition de mode de vie dans et par le texte, une manière de vivre l’écriture d’un texte et l’écriture quelque soit le texte écrit – comme baiser, boire, manger, dormir -, cela ne fait aucun doute, c’est l’évidence même de la seconde, l’heure exacte, l’exactitude d’une horaire textualisée de la première à la dernière seconde.

Minuit cinquante trois secondes

Il peut exister une structure seconde au sein d’une structure première. Il pourrait exister une structure nouvelle, changeante, évolutive, au sein d’une structure programmatique, la suite complète des quatre vingt six mille quatre cents secondes d’une journée de vingt quatre heures et mille quatre cents quarante minutes. Cette structure nouvelle pourrait dissocier le texte de la seconde ; un texte pourrait être commun à deux ou plusieurs secondes ; un texte pourrait ainsi enjamber une seconde pour aller dans l’autre. Il y aurait un ensemble A – une seconde quelconque dans la suite des secondes, par exemple minuit cinquante deux secondes – et un ensemble B – la seconde suivante, minuit cinquante trois secondes – et un ensemble C – minuit cinquante quatre secondes – et un ensemble D, E, F, G, et cela jusqu’à la dernière seconde de la journée, minuit. Et il y aurait un premier ensemble commun à A et B qui serait AB ; un ensemble commun à B et à C qui serait BC, ceci jusqu’au dernier ensemble commun à vingt trois heures cinquante neuf minutes, cinquante neuf secondes et minuit. Ces ensembles communs n’occuperaient pourtant pas la totalité d’une seconde, qu’ils scinderaient en quelque sorte en deux, le texte de la seconde minuit cinquante trois coupée en son milieu par, en première partie, l’ensemble AB, et en secondes partie par l’ensemble BC. Non. Il y aurait une partie du texte de minuit cinquante trois secondes - par exemple -- c’est une seconde choisie de manière aléatoire comme pouvant être une seconde-modèle, une seconde-exemple dans quatre vingt six mille quatre cents exemples possibles --, une partie de cette seconde, partie plus ou moins vaste, qui serait considéré comme strictement appartenant à l’ensemble minuit cinquante trois secondes. Cette partie ne serait commune ni à AB ni à BC. Elle serait plus ou moins vaste car, soit elle serait de dimension équivalente à AB et BC, c’est-à-dire qu’elle diviserait la seconde en trois tiers, en un tercet de blocs de texte équivalents en nombres de signes, soit ce serait un texte beaucoup plus vaste, qui relèguerait ainsi AB à être un texte introductif/conclusif des secondes présente/précédente et l’ensemble BC à être un texte conclusif/introductif des secondes présente/suivante. Ou l’inverse. Ce qui suggère aussi que chaque ensemble commun soit des ensembles ouverts et fermées selon un mode parenthétique particulier – plutôt que des parenthèses, trop utilisées partout, on préférera le tiret qui, dans sa graphie, renvoie à la ligne -- la ligne d’écriture -- chaque nouveau tiret indiquant une précision nouvelle. Ou bien le texte strictement appartenant à la seconde serait plus court que les textes des deux ensembles communs.
On le devine aussi, chaque ensemble commun à deux secondes aura la propriété d’occuper, de couvrir, cet espace mystérieux qui sépare une seconde d’une autre. Cet espace peut être extrêmement court ; mais il peut être aussi extrêmement long, d’une longueur qui dépasse la journée, en tant que texte. Donc le texte commun AB peut très bien ne pas apparaître complètement dans les deux secondes qu’il réunit. Il peut très bien n’apparaître qu’à titre d’extraits d’un texte plus vaste inscrit dans l’espace séparant une seconde d’une autre. De fait, un ensemble commun est une possibilité d’annexer au temps des secondes, les différents temps qui lui échappent, c’est-à-dire les différentes variétés de temps intermédiaires aux unes et aux autres. Ceci afin que rien ne passe qui ne soit texte, et rien qui soit passage du temps qui, d’une manière ou d’une autre, ne fasse l’objet d’une mise en texte, c’est-à-dire d’une organisation de la vie en lignes, paragraphes ou séquences. Qu’en plus du passage indifférencié, et conservé dans son indifférence passagère, de la suite impersonnelle des secondes d’une journée ordinaire, on trouve intégrées les interstices qui séparent toute unité divisée. Et, parallèles ou en surplomb, les différents types de formes d’organisation de ce passage des unités et des interstices d’unités, leur formes, qui sont des formes de vie textuelles, une forme de vie par le texte. Structures vivantes de texte.

Minuit cinquante deux secondes

Un mode de vie étant une suite de gestes répétés, d’actions répétées jusqu’au rituel, un mode de vie étant un mode de rythme permettant l’appréhension du nombre dans l’existence, du caractère jouissif du nombre dans le vivant, nombre qui permet la composition, la décomposition, la recomposition des gestes et des actions en ensemble plus ou moins vastes et changeants, un mode de vie dans le texte peut donc être la division d’un texte en une journée commune à toutes les journées terrestres et à tous les individus, par la seconde, de la première à la dernière. Une seconde étant l’unité minimale d’inscription de la journée, chaque seconde est en même temps frontière, frontière entre le plus grand, la totalité d’une journée, et le plus petit, la division d’une seconde par le texte. Le texte est divisible et la seconde se divise à son tour. De fait une seconde peut-être le compte rendu d’une journée, d’une année, d’une vie ou de plusieurs. Elle peut-être moins qu’une seconde ou être homothétique à la seconde.