vendredi 22 mai 2009

Minuit une minute onze secondes

Le présent - l’écriture au présent, la mise au présent de l’ensemble des textes écrits dans un autre temps que le présent, l’écriture au présent seulement de tous les textes dans une vie complète d’écriture, l’obligation par une loi, de tous écrire au présent - constitue l’amorce d’une fiction possible de l’écriture en même temps qu’un projet de théoricien fou. Le présent est la langue de la théorie, de l’analyse. L’analyse est folle car elle est écrite au présent, quasi toujours, selon une règle de pensée implicite qui fixe l’activité cérébrale comme permanente. Il faut continuer à comprendre, quoiqu’il arrive, de n’importe quelle manière. L’analyse devient lyrique, elle combine les propositions initiales, elle étudie chaque combinaison, elle permute les éléments mobilisés, les isole puis les lie en une suite un, puis les délie pour les lier plus loin en une suite deux, puis les délie pour les lier en une suite trois, puis en une suite quatre, une cinq puis une six…L’analyse est impersonnelle, elle ne meurt jamais, l’analyseur n’est qu’un outil utilisé par l’analyse pour se répandre. L’analyse, c’est une figure de train en marche, un fleuve, un courant. Une fois dedans, on sait n’y être pour rien. On est innocent de l’analyse qu’on produit. Vraie ou fausse, l’analyse continue, elle s’abroge elle-même pour se fixer ailleurs. Le passé, le futur, c’est autre chose, c’est de la science-fiction et de l’archéologie, c’est la désunion, c’est une forme de plaisanterie, une lâcheté stylistique, un truc pour newbie du clavier. La machine à voyager dans le temps existe déjà : c’est la conjugaison. Il conjugua – il connut Messaline, lui fit l’amour, etc. Il conjuguera – il ira sur Mars, bâtira, regrettera les petites terriennes, etc. Le présent de l'analyse, l'affirmation du présent : la conjugaison est la machine à voyager dans le temps.

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