mercredi 27 mai 2009

Minuit une minute vingt trois secondes

La faute à qui ? A l’orthographe, bien entendu. Toujours, elle poursuit ceux qui s’en servent pour les trahir au pire moment, à la seconde fatale : celle de l’écriture. Elle se venge, mais de quoi ? De qui ? Quel mal à s’en servir mal, même à oublier certaines de ses zones les plus sensibles, les exceptions, les règles d’accord, les dédoublements de lettre. Cette schizophrénie du mot « lettre », justement, à l’endroit du t, à moins qu’il s’agisse d’une symétrie architecturale – on pourrait bâtir une façade qui mime lettre, en toute pierre ou en tout verre - - dédoublements encore - - alors que « justement », lui ne se dédouble jamais – à peine commet-il la faute d’une répétition du t, au milieu du mot et à la fin, mais c’est élégant, comme proche d’un nombre d’or de la combinaison alphabétique. D’une manière ou d’une autre, l’orthographe fait défaut justement là où elle devrait se faire vigile, aguets, veille, en trahissant la main au moment de la frappe, neutralisant le clavier, ralentissant la lecture. Il manque des touches, d’un coup, c’est un abyme au milieu des doigts pluvieux.
Utilisant, pour signaler son mésemploi, des tiers, possédés d’elle – l’orthographe - comme autrefois le prétendu diable possédait une innocente. Ou des amis. Mais non, c’est un anachronisme : il y a trop de fautes dans les langues parlées ou écrites ou mortes-écrites pour se plaindre qu’on les corrige. Une légende court le réseau : un individu, ou un collectif d’individus – mais il est plus inquiétant d’imaginer qu’il est seul – affublé du pseudonyme Le Correcteur, interviendrait de manière opportune – la nuit très souvent, à ces heures de nuit qui font toujours mystères, malgré le noir des villes colorées de néons, de réverbères, de phares – sur les forums et les blogs, citant quantités d’interventions pour les nettoyer de leurs coquilles, se présentant toujours sous cette forme : « Je suis le Correcteur. Je n’interviens jamais à titre participatif mais correctif. Il est inutile de me répondre ou de chercher à me joindre en message privé. » . Et toujours renaissant avec ça, échappant à tous les protocoles de bannissement. Nombreux sont ainsi les forums « trollés » par cet être hybride, moitié humain, moitié programme.
Dans la recherche permanente et graphomane de parvenir au bout de ce Féminin des nombres, je ne résiste pas à l’idée que puissent exister, parallèles et satellites, des secondes bis, citées en commentaire, corrigées, comme une seconde chance, une manière de revenir sur le temps qui, dans la vie réelle - dans le sens très ordinaire de « réalité » pour qualifier la vie, c’est-à-dire la vie amputée de presque tout – ne revient jamais, sinon pour le pire – le meilleur, dit-on encore, est à venir.

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