mardi 26 mai 2009

Minuit une minute vingt et une secondes

A mesure que l’on avance, le retard s’accumule, l’espérance de vie et de texte deviennent une blague et l’on compte le temps à l’envers – pourquoi n’avoir pas couché plus tôt ici, ce que l’on a si mal couché ailleurs – l’expression « coucher sur le papier », d’une certaine manière, constitue un horizon indépassable de la métaphore ? C’est un programme à rebours, une uchronie égoïste, individuelle, qui ne change rien au temps collectif, mais tout du temps personnel. On consacre son présent à son passé conditionnel. On révise et on calcule son passé. Il se peut que ce soit en fait une activité partagée par le plus grand nombre mais dans le secret du monologue intérieur que l’on promène avec soi tout au long des vingt quatre heures d’une activité cérébrale standard et qui n’émerge souvent que subrepticement au coin des lèvres en pleine rue, dans un parlé seul qui effraie plus qu’il ne provoque une sensation d’appartenance.
Il aurait fallu ceci plutôt que cela. Je serais déjà arrivé à telle heure si j’étais parti plus tôt. On écrit une horloge dans l’autre sens, on fait du texte une lente remontée vers ce qui aurait du et n’a pas pu. Chaque seconde devient alors une chute, un rebus du passé, le rattrapage des minutes et des heures inemployées. On élargit par le texte le vécu rachitique, amaigri. C’est aussi, après tout, une manière d’avancer et de passer le temps au crible de l’inscription systématique.

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