jeudi 14 mai 2009

Minuit cinquante trois secondes

Il peut exister une structure seconde au sein d’une structure première. Il pourrait exister une structure nouvelle, changeante, évolutive, au sein d’une structure programmatique, la suite complète des quatre vingt six mille quatre cents secondes d’une journée de vingt quatre heures et mille quatre cents quarante minutes. Cette structure nouvelle pourrait dissocier le texte de la seconde ; un texte pourrait être commun à deux ou plusieurs secondes ; un texte pourrait ainsi enjamber une seconde pour aller dans l’autre. Il y aurait un ensemble A – une seconde quelconque dans la suite des secondes, par exemple minuit cinquante deux secondes – et un ensemble B – la seconde suivante, minuit cinquante trois secondes – et un ensemble C – minuit cinquante quatre secondes – et un ensemble D, E, F, G, et cela jusqu’à la dernière seconde de la journée, minuit. Et il y aurait un premier ensemble commun à A et B qui serait AB ; un ensemble commun à B et à C qui serait BC, ceci jusqu’au dernier ensemble commun à vingt trois heures cinquante neuf minutes, cinquante neuf secondes et minuit. Ces ensembles communs n’occuperaient pourtant pas la totalité d’une seconde, qu’ils scinderaient en quelque sorte en deux, le texte de la seconde minuit cinquante trois coupée en son milieu par, en première partie, l’ensemble AB, et en secondes partie par l’ensemble BC. Non. Il y aurait une partie du texte de minuit cinquante trois secondes - par exemple -- c’est une seconde choisie de manière aléatoire comme pouvant être une seconde-modèle, une seconde-exemple dans quatre vingt six mille quatre cents exemples possibles --, une partie de cette seconde, partie plus ou moins vaste, qui serait considéré comme strictement appartenant à l’ensemble minuit cinquante trois secondes. Cette partie ne serait commune ni à AB ni à BC. Elle serait plus ou moins vaste car, soit elle serait de dimension équivalente à AB et BC, c’est-à-dire qu’elle diviserait la seconde en trois tiers, en un tercet de blocs de texte équivalents en nombres de signes, soit ce serait un texte beaucoup plus vaste, qui relèguerait ainsi AB à être un texte introductif/conclusif des secondes présente/précédente et l’ensemble BC à être un texte conclusif/introductif des secondes présente/suivante. Ou l’inverse. Ce qui suggère aussi que chaque ensemble commun soit des ensembles ouverts et fermées selon un mode parenthétique particulier – plutôt que des parenthèses, trop utilisées partout, on préférera le tiret qui, dans sa graphie, renvoie à la ligne -- la ligne d’écriture -- chaque nouveau tiret indiquant une précision nouvelle. Ou bien le texte strictement appartenant à la seconde serait plus court que les textes des deux ensembles communs.
On le devine aussi, chaque ensemble commun à deux secondes aura la propriété d’occuper, de couvrir, cet espace mystérieux qui sépare une seconde d’une autre. Cet espace peut être extrêmement court ; mais il peut être aussi extrêmement long, d’une longueur qui dépasse la journée, en tant que texte. Donc le texte commun AB peut très bien ne pas apparaître complètement dans les deux secondes qu’il réunit. Il peut très bien n’apparaître qu’à titre d’extraits d’un texte plus vaste inscrit dans l’espace séparant une seconde d’une autre. De fait, un ensemble commun est une possibilité d’annexer au temps des secondes, les différents temps qui lui échappent, c’est-à-dire les différentes variétés de temps intermédiaires aux unes et aux autres. Ceci afin que rien ne passe qui ne soit texte, et rien qui soit passage du temps qui, d’une manière ou d’une autre, ne fasse l’objet d’une mise en texte, c’est-à-dire d’une organisation de la vie en lignes, paragraphes ou séquences. Qu’en plus du passage indifférencié, et conservé dans son indifférence passagère, de la suite impersonnelle des secondes d’une journée ordinaire, on trouve intégrées les interstices qui séparent toute unité divisée. Et, parallèles ou en surplomb, les différents types de formes d’organisation de ce passage des unités et des interstices d’unités, leur formes, qui sont des formes de vie textuelles, une forme de vie par le texte. Structures vivantes de texte.

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