samedi 2 mai 2009

Minuit vingt six secondes

Tenir, c’est la question qu’il se pose alors qu’on l’oblige à continuer cette activité épuisante, qui demande un renouvellement permanent à chaque nouvelle reprise, avec, cependant, la conservation d’un fil pour ne pas égarer son ou ses potentiels bénéficiaires qui, derrière lui, l’observent en direct à mesure qu’il progresse tant bien que mal dans le vide. Il pourrait s’arrêter maintenant et ce serait le vide, là juste après, rien. Mais non, il doit continuer sous la menace de – de quoi exactement ? Il ne s’en souvient plus trop, il sait ou il sent que si cette activité cesse, quelque chose de terrible va s’abattre. Bien entendu, il s’est demandé souvent si l’ennemi tant redouté n’était pas lui-même. Il se méfie de lui depuis quelques temps et il a décidé d’une parade qui lui permet de se regarder d’un peu plus loin que d’habitude. Il ne se parle plus qu’à la troisième personne du singulier. « Je connais ce type » dit-il souvent comme il se croise en ville, au détour d’un pan vitré d’immeuble. Il faut dire qu’il ne sort plus beaucoup avec la peur qui l’anime et dont il souffre que les autres ne souffrent pas. Des inconscients. On va tous crever mais il est seul à bien sentir qu’il faut continuer à tenir la ligne, à la mener là où elle doit être menée, sans discours ni fanfare, trouver des raisons de le faire et les mettre en lignes, les unes à la suite des autres, pousser chaque élément de chaque ligne dans l’espace qu’ils créent à mesure qu’on les guide jusqu’au point final, celui où l’on respire enfin.

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